Depuis quelques jours, le système partisan béninois est agité par le phénomène de la transhumance politique. On assiste à un jeu de ping-pong entre le Bloc Républicain et l’Union Progressiste. On constate une vague de démissions de l’Union Sociale Libérale (USL) et du Parti Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) vers les partis politiques pro-Talon. Le parti MOELE-Bénin enregistre des adhésions de mouvements politiques qui se désolidarisent d’autres partis politiques.
Face à ces faits, l’opinion publique, les observateurs et commentateurs de la vie politique nationale s’interrogent sur l’utilité de la réforme du système partisan voulue et réalisée par le Président TALON. Cette réflexion propose une analyse de la situation à travers trois grilles de lecture.
Primo, pour tout observateur aguerri de la vie politique béninoise, il s’agit d’un phénomène « naturel » qu’on observe à la veille de chaque élection depuis 1990. On peut l’expliquer par une sorte de redistribution opportuniste des cartes politiques sur le plan national. Observé de près, le phénomène ressemble à une forme de rééquilibrage des rapports de force politique sur le plan régional et local, surtout dans le cadre des élections législatives et communales.
En effet, au lieu d’aborder les élections avec des projets et programmes politiques, comme l’avaient promis les porteurs du projet de réforme du système partisan (nous y reviendrons), la stratégie la plus visible de la classe politique a toujours été celle des alliances politiques de « tous les goûts », parfois contre nature. La mise en œuvre de cette stratégie obéit à la loi de la gravitation. C’est-à-dire que les forces politiques les plus lourdes (les grands partis) exercent une force d’attraction sur les forces politiques et mouvements les moins importants. C’est le sens des adhésions politiques massives qu’on observe depuis quelques jours.
Par ailleurs, les forces gravitationnelles du système peuvent entraîner des explosions dans l’espace politique. Les forces politiques qui se détachent, sur la trajectoire de leur chute croisent d’autres forces issues de l’explosion et créent de nouvelles forces politiques. C’est le sens des nouvelles alliances politiques qu’on avait l’habitude de constater à la veille des élections présidentielles et législatives. Quoique « instinctif », ce phénomène est à la base de l’instabilité des forces politiques et leur impact négatif sur la gouvernance du pays.
Secundo, la réforme du système partisan entreprise sous le leadership exclusif du Président TALON devrait mettre fin à cette pagaille politique si ce n’est pas un désordre. Or, malgré l’adoption d’une nouvelle loi portant charte des partis politiques, non seulement les anciennes mauvaises pratiques politiques dénoncées plus haut sont gardées et consolidées, mais de nouvelles pratiques nocives pour la bonne gouvernance et le développement de notre pays se sont révélées.
La politisation de l’administration a-t-elle fait place à la division de l’administration en des camps politiques ? Bien évidement, cette question relance le débat sur la pertinence du diagnostic qui a servi de fondement pour les réformes politiques notamment la réforme du système partisan. Un an après la réforme, en termes de résultats probants, d’une part, le nouveau système, avec un parlement monocolore, a tué la démocratie parlementaire et a mis la démocratie représentative dans un coma végétatif. D’autre part, il semble que le système partisan béninois n’admet plus la création de partis politiques qui pourraient défendre des idées et convictions contraires à celles du pouvoir en place. Est-ce l’objectif final de la réforme ?
Tertio, il y a lieu de rappeler, en guise de conclusion de cette réflexion, qu’il y a une relation de cause à effet entre la pertinence du système partisan et le développement d’un pays. Dans l’histoire des grandes démocraties modernes qui ont inspiré notre système politique actuel, ce sont les partis politiques forts et solides qui ont donné corps à leur rêve de grandeur. La pertinence du système partisan et la qualité du personnel politique qu’il secrète sont deux facteurs déterminants pour la bonne gouvernance et le développement d’une nation.
Réduire le nombre des partis politiques au Bénin est une chose. Les rendre performants pour impacter positivement la gouvernance politique en est une autre. La réforme du système partisan actée en 2018 a réduit le nombre de partis politiques. Elle a engendré des partis politiques « robots » qui seront des instruments au service d’un homme. Cependant, le problème de notre système partisan est plus profond. En termes de mouvance et d’opposition, les acteurs politiques sont facilement interchangeables dans les deux camps. Le logiciel politique de notre système partisan est obsolète. Au lieu d’une mise à jour, il faut simplement le changer.
Djidénou Steve KPOTON
Juriste, Analyste-Politique.
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