Depuis l’introduction d’un système de parrainage dans le code électoral en vue de la présentation des candidature à l’élection présidentielle au Bénin, plusieurs questions de fond se posent et s’imposent : Comment dans le contexte actuel un candidat issu de l’opposition peut-il obtenir le nombre de parrainages nécessaires pour compétir? Qu’arriverait-il si un candidat d’un camp autre que celui du pouvoir en place n’arrive pas à obtenir les précieux sésames ? S’achemine-t-on effectivement vers un match d’entraînement tel qu’anticipé par le politologue Mathias Hounkpè dans un récent article ?
Le point de clarifications
Il faut rendre un hommage à notre presse, notamment celle qui officie actuellement en ligne d’avoir lancé le débat sur la question centrale du parrainage et les contours encore flous de cette exigence légale dans le contexte politique actuel de notre pays marqué par l’adoption de textes d’exclusion, eux-mêmes conséquences directes de l’exclusion de l’opposition des législatives d’Avril 2019. Point n’est besoin d’évaluer les dégâts de cette exclusion dont notre pays traînera des séquelles sur son image et dans l’intégrité de son système institutionnel pendant de nombreuses années encore. Nous allons continuer de vivre « l’illégitimité de la légalité », en somme la dictature par la loi.
Aux différentes interrogations que suscite la question du parrainage depuis quelques semaines, chacun des tenants du pouvoir y va de son interprétation tandis que les rares personnes de la société civile, journalistes notamment, qui s’expriment restent soit insatisfaits, ou confrontés a un mur d’incertitude. Dans quel pays sommes-nous pour qu’un texte de loi donne lieu à moults interprétations et qu’on soit parfois obligé de retourner au parlement pour l’ajuster aux intérêts du moment ? Quant aux opposants, c’est le silence plat face à un dispositif potentiellement crisogène.
A ce jour, personne ne semble être en mesure de prédire ce qui se passera. Mais ceux qui ont conçu ce système dont ils se gargarisent de l’existence dans de nombreux autres pays, y compris la France, savent très bien là où ils veulent conduire le peuple et notre pays avec un système aussi incongru (vu le contexte) et porteur de trouble à la paix et à la cohésion nationale.
Ce qui risque d’arriver
Avec les différentes interprétations et postures actuelles, ce qui risque d’arriver est davantage de fermeture pure et simple du jeu démocratique. Ces dernières semaines, ceux qui suivent avec attention l’actualite politique dans notre pays ont dû entendre des phrases de la bouche des deux personnalités au sommet de l’Etat qui ont fait dresser les cheveux sur leur tête. Le premier, en l’occurrence le Chef de l’Etat, a clairement indique au cours d’une rencontre avec les délègués des partis politiques reconnus par son régime, qu’il n’accepterait pas que l’une quelconque de ses deux formations politiques privées s’engage dans une alliance avec une force de l’opposition. Cette déclaration a été faite dans le contexte de la prise de la loi rectificative du code électoral en vue de faire face à la fronde naissante au sein des nouveaux conseils communaux. Quelques petites semaines plus tard, ce fut au tour du Président de l’Assemblée Nationale de préciser que les potentiels parrains des candidats doivent revêtir l’onction de leur parti politique, en d’autres termes, force doit rester aux partis politiques et non à la volonté des individus. Ces deux déclarations n’augurent rien de bon ni pour la paix, ni pour la stabilité de notre pays dans les mois à venir.
A y analyser de près, nous nous acheminons vers une élection présidentielle sans suspens, encore pire que le chaos de Mars 2011 au cours duquel, le régime du Président Boni Yayi a d’abord permis à ses challengers de lui faire face, avant de leur fermer la porte la porte au nez pour un probable second tour. A voir les pratiques du régime actuel, nous risquons de craindre le pire pour notre pays et ce qui reste de sa démocratie, à savoir vivre une élection à candidature unique déguisée avec en face du Prince une marionnette politique, à moins de compter sur un système de corruption qui permettra de débaucher des parrains, une éventualité qui risque aussi de se fermer au fur et à mesure que nous avancerons vers l’échéance fatidique. Nous ne faisons pas l’apologie de la corruption, mais ce n’est qu’une hypothèse dans un contexte ou l’étau se resserre autour de notre démocratie.
Quelle solution ?
A moins d’un miracle et connaissant les acteurs politiques potentiellement engagés dans les prochaines compétitions et la conjoncture politique et économique actuelle, bien malin celui qui peut dire comment fonctionnerait ce système de parrainage. Apparemment le plus simple après celui du Sénégal mais dont la mise en œuvre interviendra dans un contexte d’exclusion, ce système risque de causer plus de tort à notre pays, à son peuple et à sa démocratie. A moins qu’il soit ainsi conçu. C’est pour éviter une situation de blocage politique qui pourrait être explique par la seule loi, selon ses auteurs, qu’il faut des maintenant engager le débat au plus haut niveau de l’Etat pour obtenir soit un amendement dans le sens de son assouplissement, soit son retrait pure et simple. Si une telle démarche n’est pas menée plutôt, non seulement l’on tomberait dans quelques semaines sous le coup des textes de la Cedeao relatifs aux textes régissant la période pré-électorale, mais aussi et surtout l’on préparerait le lit à la réédition des évènements d’Avril 2019 que nous ne souhaiterions plus jamais vivre dans notre pays et dont nous sommes absolument certains que l’histoire retiendra contre les auteurs et les commanditaires.
En demandant pendant la campagne électorale de Février 2016 aux populations d’attendre la fin de son bilan pour se soulever, le Chef de l’Etat pensait plutôt à des réalisations physiques pour emporter l’adhésion et la satisfaction des populations face à sa gouvernance. Les Béninois sont plus profondément attaches à la démocratie et plus ambitieux pour leur pays que de se satisfaire d’infrastructures réalisées au détriment de leur bien-être et de leur démocratie. Ce que le Chef de l’Etat devra désormais retenir, ce sont moins ces réalisations que le maintien de la paix et de la stabilité de notre pays à travers une élection présidentielle totalement ouverte qui amènerait les populations à le porter en triomphe, comme lui-même l’avait imprudemment prédit.
Urbain Nougbodé
Sociologue planificateur
Whashington Dc
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