Cette métaphore orale provient du royaume de Danhomey (Bénin) pendant les années 1700 lorsque le jeune prince alors, Avissou Vidaho de Dossou Agadja (nom de son père) fut intronisé roi sous le nom de Tégbéssou. En effet, même si l’on est plus vieux qu’un enfant, on n’est pas nécessairement plus vieux que l’intelligence de ce dernier et ce fut bien le cas de ce jeune roi d’alors. En Afrique les rois n’étaient jamais désignés au hasard, ils sont nommés après réflexions et consultations divines entre initiés, sages et anciens. Celui-ci était déjà brillant et doté d’un certain charisme tel que l’a prévu les procédures de désignation dans le royaume. Le roi Tégbéssou a lui-même prononcé ces paroles symboliques en langue fon afin de désigner la personnalité du roi qu’il allait incarner : « awou dje agbo ko man gnon klon » signifiant littéralement qu’ « il est difficile de déshabiller le buffle » (Amoussa Rahimi).
Il prononçait également ce proverbe lors de ses discours après les batailles pour marquer sa victoire sur ses ennemis. La parole étant très importante en Afrique, le choix d’un animal pour se représenter est tout aussi déterminant. Le buffle est un mammifère appartenant à une lignée de bovins d’Afrique appelés parfois « bœufs sauvages ». Le buffle est un animal puissant capable de tuer des humains ou d’autres semblables forts tel que le lion. Ils n’ont pas de bosses certes mais sont imposants avec leurs cornes bien développées. Les buffles sont grands, forts et musclés et courent très vite (30 km/h à 55 km/h). Il faut donc faire attention à ne pas les ennuyer car ils savent se défendre en plus de leurs cornes. Les buffles d’Afrique dans cette lignée particulière de bovins sont connus pour être très forts. La mention de buffle dans ce proverbe du roi Tégbéssou était donc utilisée pour marquer tous ceux qu’il rencontrait ou ceux qui entendaient parler de lui qu’il était fort et qu’il fallait absolument le craindre.
Cependant, le jeune roi se représentait le buffle (donc lui-même) vêtu de sa tenue royale et de ses armoiries. Une représentation peu commune auparavant et aujourd’hui d’ailleurs le nom de ce roi est cité auprès d’une image de buffle habillé d’une tunique. Seulement avec ses cornes majestueuses, tout le monde s’accordera pour dire qu’il serait difficile de retirer les vêtements du buffle. Voici bien l’élément qui remet en évidence la puissance de l’art oratoire africain car les vêtements sont les tenues avec lesquelles un roi se distingue totalement des populations ordinaires ou de ses dignitaires sous son autorité. La véritable signification de ce proverbe est donc d’indiquer à l’interpellé ou ceux qui l’entendent que la personne qui prononce cette parole est indétrônable, indélogeable de sa position malgré les jalousies, ombrages ou autres calamités. Il faut retenir que le roi Tégbéssou (1740-1774) eut un long règne victorieux de 42 ans digne d’un buffle d’Afrique avant de rejoindre ses ancêtres le 17 Mai 1774.
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