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La guerre des droits n’aura pas lieu : Réponse à V. Topanou, à propos des supposées dérives de la CADHP

Notre société n’est pas seulement en crise profonde aujourd’hui mais, pour un certain nombre de fondamentaux, elle est véritablement à l’agonie car les citoyens qui, en démocratie, sont supposés être l’enjeu principal des pouvoirs politiques en sont devenus sous nos cieux les victimes pantelantes, assistant impuissantes aux passes d’armes belliqueuses et aux guerres déclarées ou non déclarées mais non moins meurtrières. Le titre de ma réponse à ce que je considère comme un véritable brûlot incendiaire étonnant, venant du Professeur Victor Topanou au vu de son parcours et de sa posture vis-à-vis des pouvoirs politiques ces dernières années, est une sorte d’alerte que je lance.

 Ce qu’on attend des ‘sachants’ comme vous, professeur et cher ami, c’est d’éclairer le peuple pour qu’il devienne effectivement le souverain, seul détenteur du pouvoir d’État et dont le rôle dans le fonctionnement de la démocratie au quotidien ne se limite pas au seul geste de glisser un bulletin dans l’urne tous les 4 ou 5 ans, en attendant que des messies opèrent des miracles et fassent leur bonheur sans eux et en échange du festin d’un jour.

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J’ai revisité vos différentes prises de position ces dernières années, tant sur notre pays que sur d’autres pays en matière de bonne ou mauvaise gouvernance et je n’arrive pas à croire ou à accepter que les dernières attaques frontales contre la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, CADHP, soient de vous, mêlant ainsi votre voix à celle des thuriféraires les plus zélés dont certains se proclament volontiers « perroquets intelligents ». Dois-je comprendre que le changement de discours qui est intervenu à votre niveau a quelque chose à voir avec participation comme rapporteur à ce que l’on a baptisé pompeusement ‘dialogue politique’ pour aboutir à une réforme et qui n’a abouti en fait qu’à son contournement et même à son travestissement. Il faut avoir l’honnêteté de l’admettre, c’était une vaste escroquerie. J’exagère à peine quand je relis la lettre ouverte que vous avez adressée au président de la République dans laquelle vous avez tenté en vain, comme tant d’autres esprits éclairés, de l’intérieur comme au niveau international, d’éviter à notre pays d’aboutir au ratage dramatique intervenu le 28 avril 2019, à l’issue d’un processus chaotique et incohérent où aucune règle ne semble avoir été respectée, même pas celles que les puissants ont malicieusement élaborées pour piéger et éliminer tout adversaire et qui malheureusement les ont entraînés dans une impasse stupide et inutile, pourtant parfaitement évitable. Je cite un pan de votre argumentation de l’époque, dont je me demande si vous réclamez toujours la paternité : 

En choisissant d’intituler cette lettre ouverte, « Tout devient possible !», c’est un clin d’œil que je fais à notre histoire politique récente et en particulier au Président Robert Dossou qui déclarait en février 1990 sur les antennes de RFI, lorsque la Conférence nationale avait proclamé sa souveraineté que « tout devenait possible » ! C’était sa façon à lui de conjurer la violence qui pouvait en découler.

Le jeudi 4 avril 2019, cela faisait exactement trois ans que vous avez accédé à la Magistrature suprême. Ce devait être l’occasion de faire le bilan de votre mandat à mi-parcours mais l’actualité pré-électorale est venue l’éclipser. En effet, au cours du Conseil des Ministres du mercredi 3 Avril 2019, votre gouvernement a annoncé que le processus électoral allait se poursuivre avec les deux seuls partis politiques que vous avez créés, à savoir, le Bloc Républicain et l’Union progressiste. Ce faisant, vous avez ouvert une crise absolument inopportune qui constitue la goutte d’eau qui a précipité le pays dans une situation pré-insurrectionnelle.

Monsieur le Président de la République,

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Cette crise pré-électorale que vous aviez les moyens d’éviter est absolument inopportune parce qu’elle vient en rajouter à une situation sociale déjà extrêmement morose et tendue par vos trois années de gestion des affaires publiques.

En effet, en trois années de gestion, votre bilan socio-économique est difficilement défendable : vous avez déguerpi les plus fragiles ; vous avez limogé beaucoup d’autres, moins fragiles ; vous leur avez supprimé leurs primes, aux fonctionnaires. Pour les plus forts, vous les avez détruits, broyés, humiliés et jetés sur les routes de l’exil, ce même exil que vous avez connu et que vous n’avez ni aimé ni supporté: je pense à Sébastien Germain Ajavon dont le cas est symptomatique puisque vous refusez même d’exécuter les décisions de la Cour africaine des droits de l’homme qui sont en sa faveur et qu’il a obtenues au prix de lourdes batailles judiciaires. Et pourtant, vous définissiez si justement au cours du débat d’entre-deux-tours un État voyou comme un « État qui ne respecte pas les décisions de Justice ». Par votre politique fiscale, vous avez jeté beaucoup d’anonymes, de jeunes opérateurs économiques dans les rues de la sous-région par les nombreux redressements fiscaux fantaisistes de nos services fiscaux ; depuis lors, ils contribuent à la création de la richesse chez nos voisins, qu’il s’agisse du Togo, de la Côte-d’Ivoire, du Mali ou du Burkina Faso.

De plus, les Béninois ont le sentiment, à tort ou à raison, que la richesse nationale est trop inégalement répartie. Ils tiennent ça de l’écart faramineux qui existe entre les salaires, d’une part, de vos différents ministres et cadres que vous avez ramenés de l’extérieur et que vous avez recrutés dans les différentes agences créées par vos soins et, d’autre part, des Béninois vivant à l’intérieur et qui ont tout donné pour hisser le pays à son niveau actuel : ils se sentent méprisés par vous et traités inéquitablement.  Pour eux, la démocratie recule parce que, en plus de tout cela, vous donnez le sentiment de ne respecter les décisions de la Cour constitutionnelle que de façon aléatoire et parcimonieuse.

Par ailleurs, la loi sur l’embauche crée un sentiment de précarité et de fragilité chez les travailleurs.

Et pourtant, quand on voit d’où vous êtes parti, tous les Béninois, sans exception aucune, et moi le premier, auraient souhaité la réussite de votre mandat pour la simple et unique raison que si vous le réussissez, les premiers bénéficiaires seraient nous, les Béninois et le Bénin et vous-même, vous n’en tirerez une quelconque gloire qu’en seconde et dernière position. La réussite de votre mandat aurait donc supposé que les Béninoises et Béninois se sentent juste un peu plus heureux et en sécurité.

« Mais que l’Assemblée nationale vous accompagne dans ce qu’il faut bien appeler cette mésaventure ne surprend personne. On la savait majoritairement acquise à votre cause depuis au moins 2016, 2017 quand vous leur avez demandé, maladroitement, il faut bien le dire, de voter tous vos projets de lois les yeux fermés.

Monsieur le Président de la République,

Que les membres de votre Gouvernement vous accompagnent dans cette mésaventure, n’a également rien de surprenant, ils ne doivent ce qu’ils sont qu’au fait du Prince. En revanche, ce que l’on comprend moins, c’est le soutien unanime et aveugle de l’ensemble des Présidents d’Institutions, qu’elles soient constitutionnelles ou non. Si parmi eux, certains semblaient acquis à votre cause et le feraient sans réserve, on s’interroge sur le soutien d’autres parmi eux. Dans le lot de ceux dont le soutien à ce processus ne surprendra personne, il y a d’abord Joseph F. Djogbénou, Agrégé de Droit privé de son État, Président de la Cour constitutionnelle, dont vous vous servez depuis quelques années déjà pour discréditer, décrédibiliser et dévaloriser toute l’intelligentsia béninoise. Sa présence à vos côtés ne vous avait pas empêché de déclarer que « le Bénin est un désert de compétence ». Et lui aussi qui est du concours d’agrégation le plus controversé et le plus contesté de toute l’histoire du concours de droit privé du CAMES se prête au jeu par sa capacité à dire tout et son contraire en l’intervalle de quelques années, voire de quelques mois. Il y a ensuite Adam Boni Tessi, l’incohérent et inconstant Président de la HAAC qui pourtant n’a pas de mandat à renouveler. Il y a ensuite encore Tabé Gbian du Conseil économique et social ; mais pouvait-il faire autrement, lui, le frère du deuxième Vice-président de l’Assemblée nationale, le Général Robert Gbian, membre fondateur de l’un de vos deux partis ? Il y a, encore et encore, Madame Marie-Cécile de Dravo, épouse Zinzindohoué, la Présidente par procuration de la Haute Cour de Justice. Il y a enfin, Joseph Gnonlonfoun, Médiateur de la République illégal et illégitime.

Quand Topanou devient méconnaissable

J’ai dit bravo à l’intellectuel qui, comme l’a écrit Jean-Paul Sartre « est quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas ». C’était l’intellectuel dans la tradition d’Emile Zola dans sa fameuse lettre ouverte, « J’accuse » au président de la République française Félix Faure dans l’affaire Dreyfus  Et maintenant que toute la catastrophe que vous craigniez est arrivée, nous installant désormais dans un vide juridique où tous les abus sont permis, où toutes les lois se taisent pour nous imposer à tous, puis-je dire, un silence des cimetière et nous livrant à la seule volonté du prince et donc à la loi de l’arbitraire , dois-je croire que, curieusement, l’intellectuel a disparu ? Votre attaque ‘personnelle et frontale’ contre Sébastien Germain Ajavon nous amène à nous poser mille et une questions. En mêlant votre voix à celles des partisans les plus débiles et les plus répugnants du ‘système des choses’, à quoi devons-nous nous attendre désormais ? En suivant un débat télévisé l’autre jour, j’ai entendu quelqu’un, qui se disait pourtant expert en bonne gouvernance et observateur impartial, oser affirmer que, en position d’acteur qui a conquis le pouvoir au prix de promesses électorales mielleuses, auxquelles peut-être ne devraient prêter attention que les naïfs qui y croient, on est fondé à changer de discours et donc à justifier tout et son contraire, comme vous le fustigez vous-même. Et son interlocuteur, très calmement de lui répliquer « la situation d’acteur détenteur de tous les leviers du pouvoir, par rapport à celle d’observateur ou de critique qu’il aurait été éventuellement auparavant ne change pas l’homme, elle révèle sa vraie nature, y compris à lui-même. » En situation de crise sociétale comme la nôtre, nos travers sont amplifiés et nous sont reflétés et révélés comme dans un miroir grossissant et déformant, certains d’entre nous devenant complètement méconnaissables. Je n’ose pas imaginer que ça pourrait être votre cas mais je suis troublé, perturbé et me pose toujours des questions. 

Vous allez jusqu’à contester à M. Sébastien Germain Ajavon son statut de réfugié politique et son droit de se mettre à l’abri d’un pouvoir qui, selon votre propre analyse, écrase tout sur son passage. Vous donnez des armes à ce pouvoir qui, sans être totalitaire (il y parviendra par petites touches), ne fonctionne que selon la volonté et les caprices du prince, « l’état c’est moi », comme l’a martelé Louis XIV le Roi Soleil au sommet de sa gloire, alors que même dans les monarchies il y a des règles et des lois fixes auxquelles se plient les gouvernants comme les gouvernés. Les monarchies de droit divin prétendaient détenir leur pouvoir de Dieu mais quand ils poussent le bouchon trop loin, ils subissent le sort de Charles 1er d’Angleterre qui est entré en conflit ouvert avec le Parlement et qui a été défait, condamné à mort et exécuté publiquement, même si la monarchie ne fût pas abolie comme en France lors de l’exécution de louis XVI le 21 janvier 1793 et de la Reine Marie Antoinette le 16 octobre 1793.   L’Empereur Hirohito n’a renoncé à son essence divine que contraint et forcé en 1946 sous la pression des Américains qui ont occupé son pays à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale  Le Bénin, qui a retrouvé sa souveraineté négociée en 1960 est loin d’être un État souverain, même si on invoque à tort et à travers une souveraineté fictive pour justifier toutes sortes de dérives autoritaires. Nous dépendons à peu près totalement de l’ancienne puissance coloniale et tous les leviers de l’économie nationale sont plus que jamais monopolisés par les puissances étrangères pendant que le pouvoir en place s’emploie à détruire les embryons d’entreprises détenues par les nationaux, faisant ainsi preuve d’un déficit de patriotisme ahurissant. Pendant ce temps, on peut faire le triste constat que ce pouvoir se comporte avec son armée, sa police et sa machine judiciaire comme en territoire ennemi conquis et occupé, alors que les forces de sécurité et de défense, composées de nos propres enfants et petits-enfants, qui ont pourtant juré de défendre la patrie contre les agressions ennemies de l’extérieur, n’hésitent plus à tirer à balles réelles sur des populations désarmées dans une guerre non déclarée.  C’est dire à quel point le tissu social chez nous, infecté par la haine et les pulsions les plus négatives, a été ébranlé et dénaturé. Même si nous étions en situation de territoire occupé et en situation de guerre, les forces d’occupation devraient observer un certain nombre de règles internationales et non pas changer les lois au gré de l’humeur du prince régnant et créer des cours et tribunaux d’exception qui fonctionnent parallèlement aux institutions normales et qui n’obéissent qu’à leurs propres règles comme la CRIET dont les acteurs n’ont pas été formés pour les fonctions spéciales auxquelles on les destine (spécialisation en lutte anti-terrorisme, lutte contre les crimes économiques, etc.). Même si on avait formé un personnel judiciaire spécialisé pour les besoins de la cause, il devrait pouvoir fonctionner dans le cadre des instituions normales et se soumettre au principe du double degré de juridiction et à l’instance suprême de cassation.

Raisonnement spécieux

Le raisonnement tenu par le professeur Topanou pour contester le droit d’asile à M. Ajavon est spécieux ou de mauvaise foi. Pour Ajavon dont il a évoqué et même défendu le cas dans sa lettre ouverte au président de la République il n’y a pas si longtemps, comment peut-il trouver normal qu’on reprenne un dossier qui a été vidé et contre lequel il n’y a pas eu appel et sans qu’il y ait non plus intervention de nouveaux éléments, créer une cour d’exception qui a complètement ignoré le droit de la défense, y compris le droit d’être pris en compte en cassation ? Pour Komi Koutché qui s’est présenté à un juge d’instruction à Cotonou avant d’être relaxé, on le reprend en compte pour le condamner à 20 ans de prison avec confiscation de tous ses biens, alors qu’on a reconnu qu’il n’y a pas eu d’enrichissement illicite. La justice espagnole à laquelle le Bénin s’était adressé au prime abord pour l’arrêter et l’extrader s’est montrée par contre beaucoup plus professionnelle, ayant découvert au passage avec ahurissement que l’un de ses avocats s’est transformé une fois en Espagne, en témoin à charge. Le Maire Léhadi Soglo non plus n’a pas été reconnu coupable de détournement mais il a été pourtant condamné pour une faute introuvable. Si nous devons manquer à ce point de professionnalisme, pour faire plaisir à un commanditaire ou à une télécommande, on peut s’inquiéter non seulement pour notre image mais aussi pour notre sécurité sur la scène internationale. Quand on a eu la chance de placer un de nos ressortissants comme Dr Maître Louis Ignacio-Pinto à la Cour Internationale de Justice de la Haye de 1970 à 1979, Maître Abraham Zinzindohoué à la tête de la Cour de justice de l’UEMOA de 2007 à 2010, Mme Clotilde Médégan Nougbodé, magistrat, à la Cour de Justice de la CEDEAO, de 2009 à 2014, entre autres positions, et qu’on a même voulu placer un des nôtres à la tête de l’OMC, on n’a pas le droit de tenir certains discours tendant à défier et vilipender les institutions régionales, supranationales et internationales. Vous avez même insinué que M. Sébastien Ajavon, en tant que réfugié (que vous finissez par reconnaître comme tel tout en feignant d’ignorer la situation de guerre qui est à la base de cette détresse), il ne devrait pas se référer à la CADHP et donc devrait selon vous se laisser mourir placidement sans revendiquer ses droits et faire cesser cette situation de guerre qui l’a jeté sur la route de l’exil. Que la CADHP ait condamné plusieurs fois notre pays, le Bénin, pour manquement grave aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui fait partie intégrante de notre constitution du 11 décembre 1990 et du protocole additionnel créant la Cour devrait nous rendre tous tristes. Nous ri alors tous avoir le profil bas, rentrer en nous-mêmes, nous asseoir autour d’une table ou sous l’arbre à palabre, mettre tout sur la table pour retrouver le consensus minimal sans lequel on ne peut pas parler de nation même en devenir, quitte à obéir aux injonctions de la Cour. C’est parce que nous avons omis de solder les comptes de l’impunité depuis la conférence nationale de 1990 que nous nous retrouvons depuis avril 2016 et surtout depuis  2019 dans une situation beaucoup plus dégradée que celle qui nous a conduit à la conférence nationale. La CADHP nous donne un coup de pouce en nous donnant une base légale pour aller de l’avant et retrouver un début de normalité. Obéir aux injonctions de la Cour n’est pas une option, c’est un impératif catégorique, et beaucoup d’autres pays s’y sont conformés comme le Nigeria, le Sénégal et le Togo. Nous n’avons pas le choix, sauf à décider de nous retirer de toutes les conventions, chartes et traités internationaux— une espèce de tentative de suicide collectif— et devenir un État paria en plus d’être une républiquette de pacotille qui serait la risée du monde entier. 

Professeur Topanou, vous donnez des armes aux bourreaux en leur suggérant même de porter plainte contre la France pour avoir permis aux avocats de Sébastien Germain Ajavon de continuer à lutter pour lui faire recouvrer ses droits. Quand Banouto et d’autres organes mettent en gros titres en vous attribuant ces propos, je tombe des nues :

Sébastien Ajavon complètement hors-course de la présidentielle 2021 malgré les décisions de la Cour africaine. C’est l’universitaire et ancien ministre de la justice du Bénin, Victor Topanou qui le dit dans une tribune publiée en exclusivité vendredi 11 décembre 2020 auprès de Banouto. Victor Topanou, qui a vertement critiqué l’avocat de l’opposant Sébastien Ajavon et les dernières décisions de la Cour africaine en sa faveur, a déclaré que l’opposant béninois est forclos pour la prochaine présidentielle.  

«  Même si toutes les demandes de la Cour (africaine, ndlr) étaient appliquées par l’Etat du Bénin, M. Sébastien Germain Ajavon ne pourra jamais aller à l’élection présidentielle de 2021 à cause de son statut de réfugié politique octroyé par la France », a-t-il écrit. Selon le professeur en Sciences politiques, la Cour africaine en rendant des décisions en faveur de Sébastien Ajavon a raté « une occasion de faire avancer, par un bel Arrêt, la cause des réfugiés, notamment sur la question de leurs droits politiques ».

L’universitaire béninois rappelle à cet effet les implications du statut de réfugié accordé à Sébastien Ajavon en France.

« Ni Me VEY ni la Cour africaine ne sauraient ignorer que le mot « réfugié » s’applique, « à toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » (voir article premier paragraphe A.2 de la Convention de Genève du 28 juillet relatif au statut des réfugiés et entrée en vigueur le 22 avril 1954) ».

C’est la double peine en somme. M. Ajavon a été condamné par une cour d’exception après avoir été acquitté par une cour normale, et ceci pour le rendre inéligible à tout prix et détruire tous ses intérêts. Il trouve refuge dans un pays non-impliqué dans la situation de guerre. Son statut de réfugié devrait alors, selon certains raisonnements, le disqualifier à jamais comme candidat, de même qu’il devrait renoncer à se battre pour retrouver tous ses droits. On dirait que certains d’entre nous pourraient se délecter soudain de cette situation et on peut se demander si quelqu’un a intérêt que la situation de guerre ne disparaisse pas de notre paysage. Mais ce que nous ne devons pas oublier c’est que nous nous installons tous, inexorablement, gouvernants comme gouvernés, dans une impasse dont personne ne sortira gagnant. Il s’agira de notre existence même en tant qu’État et en tant que nation. Comment peut-on en effet déterminer d’avance qui ira ou qui n’ira pas à une élection soumise à tant d’aléas ? Pas de liste fiable, donc pas d’électeurs, pas de candidats, pas de sécurité, pas de quiétude ! Et même si on arrivait à organiser une élection dans ces conditions, ce ne serait pas une fin en soi. On se demande si le vainqueur éventuel va gérer des citoyens libres jaloux de leurs prérogatives ou si on doit les remplacer par des robots utilitaires. J’ai lu quelque part que quelqu’un a suggéré, certainement en n’étant pas très sérieux, de fermer « les centres de bavardage ». C’est une proposition extrêmement dangereuse même si on arrivait à la mettre en pratique. Je crois qu’on n’a pas le droit de plaisanter sur des sujets aussi sérieux. Saint Jean disait : « au début était le verbe et le verbe s’est fait chair » et Aristote définit l’homme comme un animal social doté de l’usage de la parole. Enlevez-lui ces attributs et vous le ramènerez à un stade préhominien inférieur au niveau des animaux. Je vous renvoie au roman d’anticipation dystopique, Brave New World ou Le Meilleur des Mondes, de l’écrivain anglo-américain Aldous Huxley où il imaginait déjà en 1931 avec effroi la perspective d’un monde sauvage où l’on pourrait fabriquer des êtres assimilables à des robots

En démocratie, chacun à son niveau doit jouer sa partition ; opposants comme partisans du pouvoir, gouvernants comme gouvernés, secteur public, parapublic et secteur privé et enfin membres des OSC, aussi bien à l’intérieur des États qu’au niveau international ou bilatéral. On ne rend pas service à son pays en utilisant sa science ou son expertise pour caresser les gouvernants dans le sens du poil dans leurs aventures les plus douteuses. Dans tous les cas, toute compromission se paie cash comme l’a signifié le journaliste Norbert Zongo :

Les peuples comme les hommes finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur. Deux illustres et malheureux exemples de l’heure peuvent être cités en la matière : le Zaïre et le Togo. Ces peuples, subjugués et gémissant sous la férule de tyrans militaires ont malheureusement leur part de responsabilité dans le drame qu’ils vivent. 

En Afrique, la compromission des peuples s’effectue à 3 niveaux

Le 1er niveau est constitué d’intellectuels opportunistes qui se servent de leurs connaissances livresques pour aider les dictateurs à donner un contour idéologique et politique à leur tyrannie… Le tyran peut voler, tuer, emprisonner, torturer… il sera défendu, intellectuellement réhabilité par des « cerveaux » au nom de leurs propres intérêts. Résultat : la plupart de ces intellectuels finissent par s’exiler, ou sont froidement exécutés ou « se suicident » en prison. Les plus heureux sont ceux qui sont dépouillés de leurs biens et de leurs privilèges avant d’être jetés en pâture au peuple… Un tyran n’a pas d’amis éternels

Le 2ème niveau est constitué par les opposants de circonstance. Ils se battent et entraînent des hommes sincères avec eux avant de rejoindre l’ennemi d’hier, avec armes et bagages, surtout avec la liste des opposants sincères. Résultat : ils bénéficient des grâces du tyran pendant quelque temps avant d’être éjectés, emprisonnés ou tués… Un dictateur n’a confiance en personne, surtout pas en un ancien opposant.

Le 3ème niveau est constitué des « indifférents ». Les « pourvu que », la pure race des égoïstes myopes (pourvu que mon salaire tombe, pourvu que je n’aie pas d’ennuis, pourvu que rien n’arrive à ma famille…). Comme nous le disait un brave ami togolais dans les années 1980 : « pourvu que les bateaux continuent de venir au port, Eyadema peut faire ce qu’il veut. On le laisse avec DIEU » – notre ami est actuellement réfugié à Cotonou et les bateaux mouillent toujours au large de Lomé. Résultat : personne n’échappe à une dictature lorsqu’elle s’installe dans un pays.

Comme le dit la sagesse populaire, chaque peuple a le régime qu’il mérite. Et chaque compromission avec une dictature est toujours payée au prix fort. La règle ne souffre pas d’exception. Extrait de « Norbert ZONGO, le sens d’un combat », in L’Indépendant, « Edito N° 00 du 03 Juin 1993

Et il faudrait ajouter, pour tout couronner, ces quelques lignes du même inimitable et immortel Norbert Zongo :

Il y a un mensonge, un vrai :

Quand un homme applaudit sans comprendre,

Quand un homme ferme les yeux pour ignorer la vérité,

Quand un intellectuel troque sa conscience et son âme pour des biens matériels,

Quand, par peur de la mort ou simplement de certains désavantages, un homme sourit au malfaiteur, au tyran et au voleur ;

Quand un peuple refuse de se battre, de se responsabiliser parmi les autres,

Quand un dirigeant agit comme s’il avait inventé son pays, quand il ruse avec les lois,

Ce mensonge tue les hommes et les nations.

Cotonou, le 14 décembre 2020

NOTES

Ce titre fait allusion à la pièce Jean Giraudoux « La Guerre de Troie n’aura pas lieu », jouée pour la première fois le 22 novembre 1935 et qui cherche à déchiffrer les motivations fratricides de la future Seconde Guerre mondiale comme un avertissement. L’auteur y met en relief le cynisme des politiciens ainsi que leur manipulation des symboles et de la notion de droit. Dans cette pièce qui décrit la bêtise des hommes et leur obstination, Giraudoux fait un parallèle entre la situation dans l’Europe des années 1930 où tout le monde voit venir la guerre sans réellement réagir et la guerre de Troie dans l’Antiquité. Son œuvre se termine effectivement par l’inévitable guerre, reflet de la réalité.

 La société béninoise est effectivement l’une des plus inégalitaires au sud du Sahara. Selon les chiffres récents de la Banque mondiale qui a pris en compte les situations socio-économiques de 8 pays africains la couche supérieure de la société représentant 20% de la population totale  a respectivement :

Angola 47% de la richesse nationale (les 80% restants se contentant de 53%)

Bénin 53% de la richesse nationale (les 80% restants n’ayant que 47%)

Burundi 46% de la richesse nationale (les 80% restants ayant 54%)

Cameroun 52% de la richesse nationale (les 80% restant ayant 48%)

Côte d’Ivoire 48% de la richesse nationale (les 80% restants ayant 52%)

RDC 48% de la richesse nationale (les 80% restants ayant 52%)

Gabon 44% de la richesse nationale (les 80% restants ayant 56%)

Guinée 42% de la richesse nationale (les 80% restants ayant 58%)

  La source du combat d’Émile Zola est à rechercher dans la tradition d’engagement politique de l’intellectuel, illustrée avant lui, et notamment, par Voltaire et l’affaire Calas au XVIIIème siècle ou encore, plus récemment, par Victor Hugo, dont l’affrontement avec Louis-Napoléon Bonaparte reste vivant dans tous les esprits.

Ces écrivains ont su, à l’occasion, consacrer leur savoir-faire et leur habileté rhétorique à combattre l’intolérance et l’injustice. Ils ont mis leur célébrité au service de la cause défendue, sans souci des conséquences. Le camp dreyfusard cherchait à générer un engagement de ce type, souhaitait l’emblème littéraire au profit de leur cause. Maintenant, pour revenir à notre situation, des grands hommes de ce calibre ont-ils tous disparu de notre paysage béninois, pour ne laisser subsister que le désert de compétence, la cohorte de corrompus, de bavards, et de mendiants sur lesquels le prince peut cracher son mépris tout en sollicitant leurs suffrages ? Je n’ose pas l’envisager.

  Les Anglo-Saxons qualifient l’état de droit de « The rule of law » par opposition à « The law of the ruler »

  La société étant le prolongement des hommes qui la composent, on ne peut pas prétendre la transformer du tout au tout et on ne peut la réformer qu’en fonction de sa nature. Aucun acteur, qu’il soit politique, éducateur, psycho-sociologue ou psychanalyste, ne peut donc viser à transformer l’homme en dehors de lui-même, pour en faire un autre lui-même et,  peut-être, dans l’objectif d’en faire un robot utilitaire. Le résultat ne pourrait être que désastreux.

  Le 30 janvier 1649, le roi d’Angleterre et d’Écosse, accusé d’être « tyran, traître, assassin et ennemi public », est conduit devant le Palais des Banquets pour être exécuté en public. Des récits contemporains largement diffusés en Angleterre détaillent l’ultime journée du roi et l’émaillent de références bibliques ou symboliques, évoquant le soin qu’il apporta à la tenue pour « le jour de son second mariage », la lecture de l’évangile du jour qui se trouvait être le récit de la crucifixion, sa collation de pain et de vin, le pardon qu’il accorda à ses bourreaux, ainsi que sa prière et son discours final. Il prit des dispositions pour son enterrement, afin qu’il ne fût pas organisé trop vite pour laisser à son fils aîné le temps de revenir, signe que le roi voyait son exécution comme le prélude certain à la succession de son fils, et il remit ses insignes royales à l’évêque Juxon pour son fils. Philip Henry, alors âgé de dix-sept ans et témoin de la scène finale, prétendit qu’une grande rumeur s’éleva de la foule lorsque le coup fatal fut porté.

  Sous la pression des Américains qui occupent le pays, Hirohito renonce publiquement à son essence divine. Ainsi dans la nouvelle constitution l’empereur Hirohito n’est plus qu’un symbole. Aux termes de la Constitution de 1946, l’empereur «doit ses fonctions à la volonté du peuple en qui réside le pouvoir souverain»  Dans les guerres déclarées les belligérants invitent loyalement l’ennemi à prendre ses dispositions et les règles sont bien définies pour que les différents acteurs, belligérants comme non-belligérants, croix rouge et autres arbitres puissent jouer leurs partitions en toute transparence. J’ai joint un texte intitulé « La Destruction de Troie n’aura pas lieu » d’Alain Pellet, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et à l’Université de Paris-Nord, dont je recommande fortement la lecture. L’objet de cet article est d’insister sur le respect des droits souverains des territoires palestiniens occupés par Israël, dont le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, même en situation de guerre déclarée.

Par le professeur Augustin Aïnamon (Contribution)

Le président du parti « Restaurez l’Espoir » a animé une conférence de presse le mercredi 27 mars, à son siège de Mènontin. Au menu, le code électoral et sa démission du gouvernement de Patrice Talon il y a sept ans. Pour l’ancien soutien de Patrice Talon, il n’y aura pas d’alternance… Lire la suite

6 réponses

  1. Avatar de (@_@)
    (@_@)

    « La guerre des droits n’aura pas lieu » Pas mal, pas mal. C’est original, ça a de la gueu… et ça nous change des « coups de balle », « fait couler beaucoup d’encre et de salive » et autre « c’est un secret de polichinelle » resservis à toutes les sauces…
    \\\\ ///
    (@_@)

  2. Avatar de ALLOMANN
    ALLOMANN

    A l’instar de ce professeur, nous avons continué le bavardage inutile, même après les indépendances, malgré le qualificatif malfamé de quartier latin qui était plutôt un poison pour notre pays. On se gargarise depuis 30 ans « Conférence Nationale » , « Démocratie ». A quoi nous a servi cette démocratie nescafé, si ce n’est le règne de la corruption, de la gabégie, du pillage des deniers publics, des éléphants blancs sur toute l’étendue du territoire de notre pays. Et on continue de pérorer, de bavarder, de remplir des dizaines de pages pour défendre juste une idée… On a franchi le ridicule depuis longtemps avec nos intellectuels tarés que je renvoie à l’analyse percutante de leur rôle, assénée par Mme Sessinou, Maire de Kétou, lors de la dernière visite du Président Talon dans cette ville. Je cite Mme Sessinou, qui s’adressait au Président Talon en ces termes : « M. le Président, depuis bientôt 5 ans, les réformes que vous avez entreprises tendent à rendre plus concrètes la démocratie et la liberté, en améliorant le cadre de vie des populations. Grâce à ces réformes d’un rare courage, la démocratie et la liberté cessent d’être, dans notre pays, des biens de luxe, réservés à la jouissance intellectuelle d’une élite privilégiée, corrompue, et mystificatrice, une élite que la paupérisation des masses populaires et la descente aux enfers continue de notre pays, ne préoccupent guère » Leurs principales préoccupations est de sauvegarder leurs privilèges par le bavardage et la justification, par tous les moyens, de leurs privilèges.

    1. Avatar de Tommy
      Tommy

      Tu as tout dit.

  3. Avatar de Joeleplombier
    Joeleplombier

    Professeur dites-vous ???
    À t-on besoin de publier un livre dans un canard pour se faire comprendre ????
    Laissez-moi vous dire que je n’ai pas lu une phrase de ce que raconte ce soit disant professeur
    Il parle de guerre des droits ; regardez moi ça
    Topanou n’est pas à votre niveau
    Vous ne méritez point un droit de réponse ni de la part du Plombier ni du professeur Topanou
    Tchrous
    Je passais
    Le Plombier universitaire

    1. Avatar de CHICOTTE
      CHICOTTE

      Le Plombier universitaire
      Je suis toujours très heureux de te lire. A chaque fois, et un peu plus, tu es « so stupid man! « .
      Tu as triplé la 1ere année DEUG1 à l’époque. Puis tu as pu entrer au garage en DEUG 2 de droit à Nanterre. Nous étions en 1982. Voilà l’universitaire dont nous parlons…
      Avoun tchoukou daho

    2. Avatar de l'éveilleur de conscience
      l’éveilleur de conscience

      Il n’y a que joeleplombier , un rescapé du génocide rwandais qui peut se sentir’irriter par ce développement. Fais ton job

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