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Ouattara élu Président : la Côte d’Ivoire prête à aller de l’avant

Alassane Dramane Ouattara a été réélu Président de la Côte d’Ivoire le 31 octobre. Le nombre total de voix en sa faveur  a été de 3 031 483, soit 94,5 % du total des votes exprimés, avec 53,9 % de taux de participation. Les observateurs de l’Union africaine ainsi que de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont reconnu la légitimité du processus électoral.

Dans les jours précédant l’élection présidentielle, des dizaines d’articles ont été largement publiés, avec des titres effrayants prédisant « le chaos, une élection dangereuse, une guerre civile », ils ont tenté de créer une histoire selon laquelle cette élection pourrait potentiellement faire revivre le violent conflit qui a causé environ trois mille morts en 2010-2011, suite à la crise née du scrutin présidentiel. Ce scénario manifestement improbable, diffusé par les principaux organes de presse en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis, qui tendait à créer la peur et à enflammer les émotions des populations ne s’est finalement jamais réalisé. Il y a eu des actes de désobéissance civile et des affrontements localisés dans quelques villes. Cependant, à Abidjan, la capitale économique, première ville portuaire du pays, où réside 20 % de la population, il n’y a eu aucun incident grave et la ville est restée globalement calme.

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J’ai été très heureux de voir des centaines d’Ivoiriens, à Treichville, un quartier pauvre d’Abidjan, se tenir pacifiquement dans de longues files d’attente pour voter. C’était l’un des nombreux bureaux de vote que j’ai visité. En me promenant dans plusieurs lieux de vote, j’ai constaté une procédure de vote ordonnée et professionnelle. La stabilité de la Côte d’Ivoire suite à cette élection n’est pas seulement importante pour les 25 millions d’Ivoiriens, mais elle est vitale pour toute l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.

Les pays frontaliers de la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso, sont en proie à une  déstabilisation par les attaques de violents extrémistes. La Côte d’Ivoire, pôle économique en Afrique de l’Ouest, exporte déjà de l’énergie vers plusieurs pays de la région et transporte des marchandises depuis le Port d’Abidjan par les chemins de fer à destination de pays enclavés comme, le  Niger et le Burkina Faso. Avec le  port modernisé d’Abidjan, la Côte d’Ivoire offre une porte d’entrée vitale pour le développement de l’Afrique de l’Ouest.

Respecter la souveraineté de la Côte d’Ivoire

Il est universellement reconnu que le Président Ouattara, qui était Président de 2011-2020, a insufflé une reprise économique contrairement aux dix années précédentes de 2000-2010. Au cours de cette période, qualifiée de « décennie perdue », la Côte d’Ivoire était gouvernée par le Président Laurent Gbagbo et en proie à une longue et sanglante crise politico-militaire.

Le Président Ouattara avait annoncé en mars de cette année qu’il ne se présenterait pas à nouveau. Il a apporté son soutien au Premier ministre, Gon Coulibaly, décédé subitement d’une crise cardiaque en juillet, obligeant le Président Ouattara à revenir sur sa décision. Dans un article publié le 28 octobre dans Modern Ghana, More than meets the eye, Mamadou Haidara, l’Ambassadeur aux États-Unis, explique les raisons qui ont motivé le Président Ouattara à briguer à nouveau la présidence :

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« Cette circonstance exceptionnelle a laissé à un grand parti politique la difficile tâche d’identifier et de présenter un autre candidat en quelques jours ou semaines – un calendrier irréaliste dans n’importe quel pays, et particulièrement dans cette  jeune démocratie  encore un peu fragile… ». « Face à cette situation imprévue, la décision du Président Ouattara de briguer un autre mandat était la seule voie viable pour son parti et son pays ».

Le Conseil constitutionnel a décidé le 14 septembre que, conformément à la nouvelle constitution de 2016, il était permis au Président Ouattara de briguer un nouveau mandat qui constitue le premier de la troisième République. L’Ambassadeur des États-Unis en Côte d’Ivoire, Richard Bell, soutenant l’autorité souveraine du pays pour la tenue de l’élection, a réagi dans une interview publiée dans Fraternité Matin (17-18 octobre) : « Question : Sur les 44 candidats, seuls 4 ont été jugés éligibles pour participer à l’élection. Avez-vous un commentaire sur cette situation ?

Amb. Bell : Il y a beaucoup de candidats qui n’ont pas été retenus. Je pense que le Conseil constitutionnel a jugé qu’ils ne répondaient pas aux critères. Dans n’importe quel pays, il doit y avoir quelqu’un qui décide. Qui dit la loi dans ce pays ? Il doit y avoir une réponse claire à cette question. En Côte d’Ivoire, pour des questions de ce genre, je pense que c’est le Conseil constitutionnel qui décide. Les États-Unis respectent la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Je vois mal comment  mon gouvernement pourrait  contredire ce qui est dit par la plus haute autorité ivoirienne ».

La déstabilisation lancée

Ceux qui cherchaient à déstabiliser la Côte d’Ivoire se sont emparés de la décision du Conseil Constitutionnel de permettre au Président Ouattara de solliciter un nouveau mandat comme prétexte pour tenter de déstabiliser la nation.

En plus du Président Ouattara (78 ans) du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le Conseil Constitutionnel a approuvé trois autres candidats pour briguer le poste de Président.

·       Henri Konan Bédié (86 ans) du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et ancien Président de la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999, renversé par un coup d’état. Il a provoqué des conflits ethniques en introduisant l’idée que pour être un « vrai » Ivoirien, les deux parents devaient être ivoiriens.

·       Pascal Affi N’Guessan (67 ans) du Front Populaire Ivoirien (FPI), un ancien Premier ministre de 2000 à 2003 sous le président Gbagbo.

·       Kouadio Konan Bertin (52 ans), un indépendant et ancien animateur de jeunesse du PDCI, qui a concouru pour la présidence en 2015.

Le 15 octobre, les candidats Bédié et N’Guessan, craignant de perdre les élections, ont appelé leurs partisans à boycotter l’élection, en vue de créer les conditions pour déstabiliser la Côte d’Ivoire immédiatement après le vote. Cette action calculée, à peine 16 jours avant cette élection importante qui aura eu un impact sur l’avenir de la nation, visait à préparer le terrain pour une campagne qui devait « délégitimer » l’élection présidentielle. Au même moment, dans le cadre de leur plan, Bédié et N’Guessan, qui ont obtenu respectivement, 0,99 % et 1,66 % des voix, ont qualifié l’élection d’illégale et d’illégitime, comme ils l’avaient prévu. Le duo a alors appelé de manière absurde à la création d’un « Conseil National de Transition ». En effet, ces candidats vaincus, qui prétendent soutenir la démocratie, plaident pour la privation du droit de vote de millions d’Ivoiriens, qui ont enduré la chaleur et les longues files d’attente pour voter pour le candidat de leur choix.

Sédition

N’Guessan a été arrêté le 7 novembre et Bédié est assigné à résidence pour avoir appelé à la formation d’un gouvernement illégal et non élu. Cela peut ne pas sembler grave à ceux qui ne connaissent pas l’histoire des élections en Côte d’Ivoire. Cependant, la mémoire des Ivoiriens est profondément marquée par les violences qui ont suivi l’élection présidentielle de 2010, lorsque le Président Laurent Gbagbo a refusé de quitter le palais présidentiel après avoir été battu par le Président Ouattara.

De décembre 2010 à mars 2011, de violents combats entre les armées opposées à Abidjan ont causé la mort de plusieurs milliers de personnes et provoqué le déplacement de plus d’un million. Pour une nation jeune et émergente, se souvenant  des horreurs de la décennie précédente, les actions de N’Guessan et Bédié sont une menace pour la société ivoirienne et son gouvernement élu.

Guillaume Soro se joint à la coalition de l’opposition qui tente de renverser le gouvernement élu de Côte d’Ivoire. Il a été Premier ministre sous le Président Gbagbo de 2007 à 2012, et Président de l’Assemblée nationale de 2012 à 2019, pendant la présidence de Ouattara. Il était auparavant un allié du Président Ouattara et dirigeait les forces rebelles contre le Président de l’époque, Gbagbo. Il est important de reconnaître qu’avant les élections, Soro précisait  le plan de l’opposition, déclarant au journal Le Monde, un grand journal français :

« Nous avons réussi (sic) à discréditer le processus électoral et  à nous donner les moyens de ne pas reconnaître M. Ouattara comme Président de la République de Côte d’Ivoire après le 31 octobre ».

Soro, qui a été exclu de la candidature à la présidence par le Conseil constitutionnel pour détournement de fonds et blanchiment d’argent, réside en Belgique après avoir été reconnu coupable par contumace. Le 4 novembre, au lendemain de la victoire du Président Ouattara, Soro a appelé à la mutinerie contre le Président Ouattara. Il a publié sur sa page Facebook un appel pour un coup d’État militaire. Il écrit :

« Me tournant à présent vers nos forces de sécurité et de défense… Je vous demande de désobéir aux ordres illégaux et de rejoindre le Conseil National de Transition… Nous ne pouvons pas par peur, accepter la dictature  d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire ».

Bédié a également échoué lorsqu’il a tenté d’obtenir le soutien des États-Unis pour se joindre à ses efforts  de ne pas  reconnaître l’élection. Le 2 novembre, l’Ambassade des États-Unis à Abidjan a publié la déclaration suivante :

« L’Ambassadeur des Etats-Unis n’a pas rencontré le candidat Bédié ce week-end. Les États-Unis respectent l’ordre constitutionnel de la République de Côte d’Ivoire, que le Président Ouattara dirige toujours, et exhortent tous à respecter l’ordre constitutionnel et à éviter la violence ».

Il est temps d’aller de l’avant

Les élections étant terminées, le moment est venu pour la Côte d’Ivoire de s’unir autour des objectifs de concrétiser le potentiel de la nation, d’industrialiser son économie et d’assurer le bien-être de tous ses habitants. Dans son discours d’acceptation du 9 novembre, Le Président Ouattara s’est engagé à résoudre le conflit du pays : « Je tiens à réaffirmer ma disponibilité aujourd’hui, comme je l’ai fait hier, pour un dialogue sincère et constructif avec l’opposition, dans le respect de l’ordre constitutionnel ».

« Je voudrais inviter mon aîné, le Président Henri Konan Bédié, Président du PDCI-RDA, à une réunion dans les prochains jours pour un dialogue franc et sincère afin de restaurer la confiance ». « Je demande à tous nos concitoyens, dans un élan de paix d’esprit et de cœur, d’œuvrer pour maintenir et renforcer la paix dans tout notre pays. Nous avons tant à faire ensemble, pour construire et consolider notre nation ».

« Le temps de la compétition électorale est passé. Il est temps d’agir. Et pour moi, l’action est le projet que je porte « Côte d’Ivoire Solidaire » pour lequel j’ai été élu, et qui accélérera la transformation économique et sociale de notre pays, grâce à une croissance plus inclusive ».

L’administration du Président Ouattara a décliné dans son Plan stratégique 2030, une vision pour une Côte d’Ivoire prospère et solidaire.

Les principaux objectifs de ce plan comprennent : réduire la pauvreté de 39 % à 20 %, augmenter l’espérance de vie de 57 à 67 ans, créer 8 millions de nouveaux emplois et réduire la mortalité infantile de 40 %. Il est dans l’intérêt de tous les Ivoiriens d’aller au-delà de cette élection et de travailler ensemble pour parvenir à une nation stable et florissante.

Avec la paix, la stabilité et de bonnes politiques, la Côte d’Ivoire, joli creuset culturel de nombreuses nationalités, est capable de devenir un moteur de croissance pour l’Afrique de l’Ouest.

(L’auteur s’est rendu en  Côte d’Ivoire du 23 octobre au 3 novembre 2020) Lawrence Freeman est analyste politico-économique pour l’Afrique, impliqué dans la politique de développement économique de l’Afrique depuis plus de 30 ans. Il est le créateur du blog : lawrencefreemanafricaandtheworld.com

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