Le Mali fait face à de nombreuses difficultés depuis l’instauration de l’embargo imposé par la CEDEAO. Cependant, la sortie de crise devra passer par une reprise du dialogue et un réaménagement du délai de la transition. Les dernières informations en provenance de Bamako ne sont pas rassurantes. Après seulement trois semaines d’embargo sur le pays, les effets des mesures de sanctions imposées par la CEDEAO se font déjà sentir. Les avoirs du pays sont gelés par la BCEAO et les transferts de fonds sont bloqués. Les caisses de l’Etat sonnent creuses.
Les opérateurs économiques peinent à ravitailler le pays. En théorie, les denrées de premières nécessités comme la nourriture et les médicaments ne sont pas touchées par ces mesures, pourtant le pays connait une forte inflation et une pénurie dans certains secteurs. Acculées, les autorités de la transition ont lancé une offensive diplomatique auprès des pays de la sous région mais visiblement elles n’ont pas encore porté des fruits. Loin de fragiliser l’assise populaire de la junte, ces mesures de sanctions de la CEDEAO ont suscité une levée de bouclier au sein de l’opinion malienne et africaine, rassemblé en une union sacrée autour d’un gouvernement qu’il est difficile de critiquer sans passer pour un antipatriotique ou antipanafricaniste. Mais cette vague souverainiste cache mal les véritables intentions de la junte pour s’éterniser au pouvoir.
Manipulations
En réalité, le bras de fer entre la junte et les dirigeants de la CEDEAO n’est plus le coup de force en lui-même. Ceux-ci avait déjà acté ce fait et ont même passer l’éponge. Même si la vague d’ interruptions brutales des pouvoirs démocratiquement élus qui s’est emparée de la sous région notamment en Guinée Conakry et plus tard au Burkina Faso leur faisait peur. En effet, le risque de voir les régimes de la sous région tomber un à un et les militaires s’installer durablement au pouvoir est devenu leur cauchemar. Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la prorogation du délai de la transition. C’est le 11 décembre 2021, après plus d’un an de transition, le chef de la junte Assimi Goĩta avait ouvert les « assises nationales » regroupant des délégués venus de toutes les régions du pays et de la Diaspora. De cette rencontre devrait découler un « Mali Koura », un nouveau Mali.
A l’issue de 20 jours de travaux, les recommandations sont remontées aux autorités de Bamako qui à leur tour les ont remis à un panel de hautes personnalités choisies personnellement par le chef de la junte Assimi Goĩta. Mais, cette phase finale a été boycottée par les principaux leaders des partis politiques signataires des accords d’Alger de 2015 qui devraient stabiliser le pays. Il préconise un délai de six à cinq ans. Ce qui, tous comptes faits, porteraient à sept ans la durée totale de la transition démarrée en septembre 2020 après deux coups d’État. Les frondeurs regroupés au sein d’une plateforme dénommée Cadre d’échange dont le parti le Rassemblement pour le Mali Yéléma avaient qualifié cette phase finale de « manœuvres dilatoires destinées à proroger la transition de la part d’un gouvernement sans repère ni boussole ». D’autres acteurs importants de la scène politique malienne réunis au sein du Cadre stratégique permanent (CSP) avaient eux aussi indiqué que ce rapport final ne les engageaient pas Pourtant, il sera remis a la CEDEAO quelques jours plus tard. Comme on peut le constater aisément, la manipulation de la junte est flagrante. Sans doute ont-ils pris goût aux délices du pouvoir. Grisés par la vague de sympathie à travers tout le pays elle a trouvé des arguments notamment l’insécurité qui prévaut au nord du pays pour rester au pouvoir, sacrifiant du coup les populations aux effets néfastes des sanctions de la CEDEAO.
Sortie de crise
Les portes ne sont pas totalement fermées pour solutionner la crise malienne. Les deux parties sont d’ailleurs ouvertes au dialogue. Aujourd’hui, il est clair impossible en l’état actuellement des choses, d’organiser des élections le 27 février prochain comme précédemment prévue. La prorogation est donc devenue inévitable. Mais la balle est désormais dans le camp des militaires. Et il semble qu’ils en sont bien conscients. Le vendredi dernier lors du conseil des ministres, ils ont convoqué, le Conseil national de transition (CNT), organe servant de pouvoir législatif, à se réunir en session extraordinaire.
L’ordre du jour : « l’adaptation de la durée de la transition aux recommandations des assises nationales ». La rencontre est prévue pour le samedi 12 février prochain. Ce qui laisse penser qu’un nouveau délai sera proposé aux dirigeants de la CEDEAO. Un raccourci de cinq à deux ans pourrait satisfaire la CEDEAO et la la communauté internationale. Mais quelques soient ces nouvelles propositions, il va falloir choisir entre les réformes urgentes dont le pays a besoin avant des élections rapides, équitables et transparentes et celles qu’il faut laisser de côté d’abord. Les nouvelles autorités issues de ces élections s’occuperont du reste. Il faudra également réconcilier tous les Maliens et rassurer les partenaires régionaux et internationaux sur le respect de leurs engagements. Après cela, ils pourront aller faire ce qu’ils savent le mieux : combattre l’ennemi.
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