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Après les coups d’État : le défi des militaires au pouvoir en Afrique

La durée de la période transitoire est la pomme de discorde entre les militaires qui ont pris le pouvoir dans la sous région et les autorités de la CEDEAO. Au Mali, la tension n’est toujours pas retombée malgré les lourdes sanctions imposées par les dirigeants de la CEDEAO contre le président autoproclamé du pays, le colonel Assimi Goĩta  et  sa population. Contre vents et marées et en dépit de ses propres engagements de ne pas s’éterniser au pouvoir, il s’est octroyé cinq années de plus à la tête du pays. Les bons offices de l’émissaire de la CEDEAO Jonathan Goodlock le week-end  écoulé n’ont pas permis de bouger les lignes.

Toute chose qui pourrait entraîner de nouvelles sanctions contre le pays. Le colonel Assimi Goĩta tient à ses cinq ans de transition comme si sa vie en dépend. Le dialogue est rompu avec l’opposition et la société civile qui lui demandent de ne pas isoler le pays du reste du monde. Parallèlement, de nombreux cadres sont poursuivis devant des tribunaux pour divers chefs d’accusation de détournement de fonds publics. Au Burkina Faso, ce n’est pas complètement la même chose. Les actuels dirigeants  eux-aussi venus à la tête de leur pays par un coup d’État, ont été un peu plus réalistes. Ils ont fixé à 36 mois la durée de la transition. Une durée qui peut paraître acceptable aux yeux de la CEDEAO et la communauté internationale qui ont accepté de fait, ces prises de pouvoir tout en exigeant leur limitation dans un temps relativement court.  Mais en Guinée, c’est l’incertitude totale. Personne ne connait la durée de la transition et le retour à l’ordre constitutionnel.

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Pourtant, trois semaines seulement après le coup d’État et la chute d’Alpha Condé, la junte avait dévoilé la « charte de la transition », sorte d’acte fondamental et de chronogramme. La durée de la transition devrait être fixée «  d’un commun accord entre les forces vives de la nation » et les autorités en place. On pensait que les choses allaient s’accélérer. Mais, jusqu’à ce jour et après plus de six mois d’exercice du pouvoir, aucune durée n’a été fixée. Visiblement ce sujet n’est même plus dans l’agenda du colonel Doumbouya. Aujourd’hui, c’est l’expulsion de leurs résidences des deux anciens Premiers ministres Céllou Dalein Diallo et Sidya Touré qui cristallise toute l’attention. Cette expulsion s’inscrit dans une vaste campagne de récupération des biens de l’État engagée par les nouvelles autorités militaires.

L’opposition crie à la chasse aux sorcières car des dossiers de présomption de corruption impliquant plusieurs anciens ministres sont déterrés. L’un concerne la vente de la compagnie aérienne Air Guinée. D’autres, des cas de détournements de deniers publics. Désormais, ce sont les proches du président déchu Alpha Condé qui sont visés. Certains cadres sont déjà incarcérés. Cependant depuis le weekend écoulé, une mission conjointe  Union africaine- CEDEAO séjourne dans le pays pour discuter d’un chronogramme précis des intentions de la junte. A l’issue des consultations on pourra voir clair dans les intentions du colonel Doumbouya et ses collègues.

Savoir prendre les bonnes décisions

Ce n’est pas la première fois que des militaires arrivent au pouvoir en Afrique subsaharienne. De nombreux pays en ont déjà fait l’expérience avec des fortunes diverses. Les exemples sont légion. Mais le retour des coups d’État comme modèle de gouvernance vient mettre un coup d’arrêt aux expériences démocratiques entamées dans les années 90. Force est de constater que ces expériences ont accouché d’une souris.

La mauvaise gestion des ressources humaines et financières, le chômage des jeunes, la corruption, les scandales financiers et les fréquentes violations des droits de l’homme sont récurrents malgré plus de trente ans de démocratie. Et pour couronner le tout, le terrorisme a fait son apparition. Des djihadistes se sont installés au Mali, Burkina et aujourd’hui au Bénin avec des attaques meurtrières compliquant un peu plus la situation des populations et leur ôtant toute espérance d’une vie meilleure.  C’est donc à juste titre que ces populations ont accueilli et soutenu les militaires dans l’euphorie générale partout où les coups d’État ont eu lieu. Il appartient maintenant aux maîtres des lieux de faire leurs preuves. Il s’agit pour eux de redresser leur pays, de mettre en place des institutions fortes et de contre-pouvoirs, capables de transcender et de décourager tout personne désireuse de remettre en cause l’ordre établi. 

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Le tripatouillage des constitutions et le fameux troisième mandat doivent être bannis. Les pays africains ont besoin d’institutions fortes et non des hommes forts, pour paraphraser l’ancien président américain Barack Obama. Il s’agit aussi de mettre en place les bases fondamentales d’un développement durable, de donner de l’espoir aux jeunes pour qu’ils croient en eux-mêmes et à leurs capacités à transformer leur pays. Des réformes ambitieuses doivent être menées dans les secteurs économiques et judiciaires afin de rompre avec l’impunité et les violations des droits humains. Mais surtout, ils doivent laisser le pouvoir aux civils le plus rapidement possible en organisant des élections libres, équitables et transparentes.  

Certes la ferveur des populations qui les a accompagnés lors de leurs prises du pouvoir règne encore aujourd’hui. Mais elle risque de s’effriter tout doucement s’ils continuent de fouler au pied, les principes élémentaires de la démocratie et de la bonne gouvernance. Il en va de la crédibilité des nouveaux leaders et de leur honneur même si en en matière de politique ces valeurs n’ont souvent pas leur place. Mais ils doivent avoir à cœur l’héritage qu’ils laisseront à la nouvelle génération. Car, on leur demandera un jour ce qu’ils ont fait lors de leur passage au pouvoir.  Il importe  donc de prendre la mesure des choses afin que l’euphorie d’aujourd’hui ne devienne un lynchage pur et simple demain.

Une réponse

  1. Avatar de (@_@)
    (@_@)

    Je suis en phase avec le rédacteur de l’article.

    « Assimi Goĩta tient à ses cinq ans de transition comme si sa vie en dépend » Sa vie en dépend (€€€€€)

    \\\\ ///
    (@_@)

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