Le 24 juillet de chaque année est consacré à la célébration des grands-parents et des personnes âgées. Compte tenu de la situation actuelle et surtout du vécu quotidien de cette catégorie de personnes, votre journal a trouvé important d’aller à la rencontre de certains. Il s’agit du Professeur de droit public à la retraite, ancien député de l’assemblée nationale du Bénin, Charles Yaovi Djrèkpo et de l’ancien directeur du Collège Catholique Père Aupiais de Cotonou, Barnabé Vigan.
Quel est le constat de la situation des personnes âgées aujourd’hui ?
Professeur Djrèkpo : Le bonheur d’une personne âgée est de réunir les enfants autour de l’arbre à palabre les soirs après les travaux de la journée pour les écouter et partager avec eux les approches de solutions aux problèmes qu’ils ont rencontrés dans la journée, dans leur vie et continuer de les éduquer. Et puis les enfants autour des parents parlent avec leurs pères, leurs mères et assurent ainsi leur réconfort moral. Ça, nous l’avons perdu. Le véritable problème aujourd’hui est que les personnes âgées souffrent des téléphones mobiles, l’absorption du temps de loisirs de nous qui sommes aujourd’hui capable d’aller et venir si bien que ceux-là qui ne peuvent plus bouger, sont laissés pour compte et on ne se préoccupe plus de leur sort. Ça c’est une dégénérescence morale de la société et il faut que nous luttions contre cela. Les distractions, le téléphone avec les médias sociaux ont complètement démoli le schéma d’écoute des personnes âgées qui existait. Le fait d’aller leur exposer les problèmes que l’on a et de recevoir leurs propositions de solutions, nous sommes en train de le perdre tout simplement parce que nous copions. Vous savez, dans certaines sociétés de ceux qui nous ont colonisés et bien on construit quelque à part loin pour les personnes âgées et on les parque là-bas. Cela n’est pas une chose nécessairement bonne et que nous devons corriger.
Que peut-on faire pour y remédier ?
Professeur Djrèkpo : Nous devons faire en sorte que dans nos maisons il y est un petit emplacement, un appartement, une place pour la personne âgée et garder par exemple le réflexe d’aller dire bonsoir papa avant de prendre le chemin du travail comme c’est dans nos sociétés traditionnelles. Cette salutation va donner un réconfort moral à la personne âgée et si elle n’a plus la capacité de travailler pour s’auto-suffir, si elle ne jouit pas d’une pension, il faut que nous puissions avoir le sens du partage de ce que nous avons et que dans nos préoccupations, on n’exclut pas les personnes âgées. Nous avons aussi des comportements qui excluent les enfants les plus difficiles qui sont obligés d’aller dormir sous les ponts. Mais qu’est-ce qu’on veut ? Que les personnes âgées aussi aillent dormir sous les ponts ? Je ne comprends pas comment nous pouvons sauvegarder ces valeurs parce que c’est des valeurs culturelles que nous ne devons pas perdre. Il faut que nous renouions avec notre culture dans ce sens-là et c’est mon souhait. Les visites sont très capitales. La personne peut ne pas être dans la même maison que nous, mais nous devons prendre l’habitude de visiter les parents qui sont restés au village alors que le travail nous a amené en ville. Prenons l’habitude d’aller les voir en leur emmenant comme eux-mêmes le faisaient en ramenant quelques fruits des champs. Il faut que nous aussi ramenions quelques fruits de la ville pour les parents restés au village. Si nous travaillons ici et nous pouvons prélever le centième de ça pour venir en aide à nos parents et garder le contact avec eux, ce sera une excellente chose. Nous pouvons aussi si nous avons les moyens, les doter de moyens modernes de communication qui nous absorbent. Il faut que nous leur donnions ces moyens parce qu’ils savent au moins dans nos langues parler avec nous. Ils peuvent aussi nous appeler.
Quel appel lancez-vous aux décideurs politiques
Professeur Djrèkpo : C’est au niveau de chaque individu qu’il faut faire l’effort de régler le problème. Au niveau des décideurs politique, c’est ce que les occidentaux ont fait en construisant pour les personnes âgées des maisons de retraite. Ce n’est pas l’idéal. Dans la maison de retraite, on recrute des gens pour aller s’occuper d’eux tant bien que mal. C’est un pires-aller à mon avis. Ce que la personne âgée voudrait, c’est d’être avec qui il parlerait le même dialecte, avec qui il partagerait les mêmes cultures ancestrales, avec qui il partagerait sa vision peut être sur-aller mais une vision qui peut éclairer justement le futurisme de ceux qui sont encore vigoureux. Je pense que c’est au niveau de chacun de nous qu’il faut que nous prenions patience. Que nos comportements ne négligent plus les personnes âgées qui nous sont proches et trouver des moyens de nous les rapprocher. Ce n’est pas l’Etat qui va le faire pour nous. L’Etat pourra venir en aide à ceux qui n’ont personne, ceux qui n’ont pas de descendants mais qui sont survivants. Il faut que les gouvernants voient ce qu’ils peuvent faire mais, les maisons de retraite sont c’est un pis-aller.
« Le mariage le germe de l’oubli » affirme Barnabé Vigan
Quel est le constat de la situation des personnes âgées aujourd’hui ?
Directeur Vigan : La question des anciens, des parents et des grands-parents se pose déjà lorsque les enfants s’unissent. Quand mon fils ou ma fille se marie, la question est de savoir ce qui advient de moi en tant que père ou mère. Parce que si les deux qui se marient ne le font pas avec la perspective de porter la famille mais plutôt de vivre seuls à deux ou avec leurs enfants, une famille vraiment n’est plus de la famille traditionnelle. Déjà le papa ou la maman que nous sommes avons perdu quelque chose. C’est comme si notre enfant qui nous quitte pour aller se marier n’est plus avec nous.
Avant, les parents avaient vraiment la parole. La plupart de nous qui sommes grands-parents aujourd’hui avons réussi dans les études grâce aux efforts et la bonne volonté de nos aînés de nous aider. Des grands frères qui a réussi et qui ont pris les jeunes frères que nous étions et grâce à eux, nous avons étudier aussi. Parce que à l’époque, l’homme avait la parole mais aujourd’hui les deux sont à égalité et si la femme ne veut pas que son époux s’occupe de ses parents, il ne fera pas. Quand ils se marient, ce qu’ils faisaient d’habitude aux parents, ils ne sont plus capables de leur faire ça. On n’arrive pas en tant qu’époux à nouer au bout l’ancienne corde la nouvelle. Il y a là un germe, l’oubli des parents.
Que peut-on faire pour y remédier ?
Directeur Vigan : Pour que les grands-parents soient pris en compte, il faudrait que l’homme qui se marie aide son épouse à nous accepter comme parents, comme son père et sa mère et réciproquement. Que l’alliance d’un homme et d’une femme ne soit pas isolement une séparation ou un déracinement. Que la femme ne déracine pas son époux de sa famille ; donc n’amène pas son mari à oublier qu’il a un père et une mère et réciproquement. Car, c’est de là que commence la crise. Il faudrait que les jeunes qui se marient sachent qu’ils viennent de quelque part et qu’ils doivent travailler à ce que leurs parents ne soient pas oublier.
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