Situation tendue au Sénégal : Le Père Eric Aguénounon parle de la crise de la démocratie inclusive

Reçu le vendredi 17 mars 2023 dans l’émission « Geo Stratégies » de Radio Bénin, le Père Eric Arnaud Aguénounon, Philosophe politique, analyste politique, écrivain–essayiste et Directeur de l’Institut des Artisans de Justice et de Paix et de Chant d’Oiseau (IAJP/CO), s’est prononcé sur plusieurs sujets de l’actualité internationale notamment celle touchant le Sénégal. Selon lui, ce qui se passe au Sénégal, est une crise de la démocratie inclusive.

Le Père Eric Arnaud Aguénounon a expliqué que pendant longtemps, le Sénégal est un pays qui a donné aux Béninois  et aux peuples africains, une leçon de démocratique. Mais depuis quelques années, il y a le fait qu’une crise a commencé à germer, ceci par un projet d’élimination de l’opposition pure et simple.  Selon lui, le contexte africain est aujourd’hui marqué par le fait que celui qui est au pouvoir, se crée et se forme lui-même une opposition.  Le philosophe politique a indiqué que quand des opposants populaires comme Ousmane Sonko, dynamique et jeune, deviennent des personnalités en vogue dans leur pays, le pouvoir politique en place cherche à les abattre sur le terrain juridique ? Quand il n’y a pas « un système électoral exclusif, il y a plutôt le terrain juridique pénal où on crée des situations pour les écarter », a-t-il déclaré.

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 Pour l’analyste politique, ce qui est spectaculaire dans ce qui arrive au Sénégal, c’est que face à l’injustice à l’ endroit de l’opposant Ousmane Sonko, il est soutenu par une partie importante de la population notamment la jeunesse. Selon le directeur de l’Institut des Artisans de Justice et de Paix et de Chant d’Oiseau (IAJP/CO), à l’allure où vont les choses, le pouvoir en place risque de perdre son électorat.  Mais pour le Père Eric Aguénounon, «entre combattre un homme et sauvegarder un électorat », il faut croire que « l’intelligence politique a déserté le forum ».

Les institutions pointées du doigt

Par rapport à certaines personnes qui font état de ce que les manifestations des partisans de l’opposant Ousmane Sonko visent à faire obstruction à la justice, le Père Eric Aguénounon pense qu’en réalité, dans toute démocratie, on peut le dire. Il a laissé entendre que les institutions ne sont pas si indépendantes et qu’il y a tellement de manœuvres, de ramifications et de compénétrations entre les institutions.  Le philosophe politique a tenu à préciser que « le système démocratique est fait comme ça ».

Pour lui, il faut donc partir du fait que les institutions existent en démocratie et elles « sont institutionnellement tissées et structurées mais, ce sont les hommes qui sont à la tête de ces institutions et souvent ce sont des Hauts fonctionnaires et hommes politiques et femmes politiques, militants du parti au pouvoir ».  Ces derniers, selon lui, peuvent recevoir des injonctions et que cet aspect-là, il ne faut pas le négliger.  Dans tout système démocratique, cela existe mais, à des proportions diverses. Il a fait savoir que le cas du Sénégal est « un cas pathétique et triste » parce que ce qui se passe « n’est pas d’ordinaire ». 

Il a par ailleurs informé qu’il y a en général deux sortes d’opposants : celui qui vit l’opposition par procuration et celui qui vit l’opposition de façon indépendante avec des convictions, un électorat et une vision. Mais, dans le second cas d’opposant, quand un tel opposant indépendant a une kyrielle de problèmes d’accusation, on peut se poser la question sur la véracité des faits, la tangibilité des faits et la factualité des faits.  Le directeur de l’IAJP/CO est sûr qu’aux procès de Ousmane Sonko, ces avocats vont quand même présenter les preuves contradictoires pour innocenter leur client. Mais, il se pose la question de savoir si « on peut-être opposant et aller dans un prétoire et sortir idem ? ».  Il se désole que « parfois, les procès sont joués d’avance ». « Il faut des rapports de force quand on est opposant » a-t-il lâché. Il croit que ces rapports de force vont se jouer malheureusement dans la rue. 

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Démocratie au balbutiement

 La question de la démocratie, selon le Père Eric Aguénounon, est une question très transversale et que le système démocratique en France ou ailleurs notamment aux Etats-Unis est à son « déclin ».  Par contre en Afrique, selon lui, « nous sommes encore au balbutiement » et que « nous sommes encore en fondation ». Pour le philosophe politique, un pays comme le Sénégal est en fondation.  Il  a martelé que la démocratie, est un espace de liberté, de droits et de devoirs  de chacun où il y a toujours un exercice du pouvoir  dans un esprit de dépossession de soi pour le service de tous et que cet élan-là est une  conquête permanente. 

Et selon l’écrivain –essayiste, il y a la faiblesse de la démocratie, la fragilité de la démocratie et la faille de la démocratie dont il faut tenir compte. Pour lui, les faillites viennent après. Mais, toute démocratie est intrinsèquement fragile et il y a des faiblesses. Il a cité le cas du poids de l’argent en démocratie, le poids de la majorité sur le poids de la minorité et le poids de l’élite qui écrase  les citoyens lambda, les citoyens pauvres.  Dans le cas du Sénégal, selon lui, il y a vraiment une situation de crise et qu’il faut observer de très près et que «  nous sommes dans une crise vicieuse ».

La question du 3ème mandat

Sur le sujet du 3ème mandat qui est agité actuellement pour le camp présidentiel sénégalais, il a déclaré que tout est possible en politique.  « Quand je reviens à la question du peuple, il ne faut jamais considérer le peuple entier » a-t-il affirmé.  Pour lui, le peuple en Afrique, est un peuple qu’on peut acheter, manipuler et un peuple jouisseur  qui est tantôt à gauche, tantôt à droite. Il n’a pas manqué d’ajouter que c’est également un peuple qui n’est pas suffisamment  mûr, instruit et qui manque de ressources spirituelles, morales et matérielles. Selon le philosophe politique, ce peuple-là n’est pas réellement le peuple originel de la démocratie grecque. Il a tenu à préciser qu’on a une société civile de duperie qui est l’antichambre de la politique et qu’il faut faire très attention quand on est dans le contexte de la Société civile d’aujourd’hui.   

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