C’est une démarche historique. Le Burkina Faso se prépare à franchir une étape significative dans sa politique linguistique. L’annonce faite par le ministre de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, à l’issue du Conseil des ministres, indique une orientation vers l’institutionnalisation des langues nationales comme langues officielles. Ce changement marque une évolution considérable dans l’administration et l’enseignement du pays, où le français, jusqu’alors langue officielle, deviendra une langue de travail.
Ce changement devrait vraisemblablement figurer dans le projet de loi de la nouvelle constitution que le pays compte adopter. « Dans ce projet de texte, il faut noter l’institutionnalisation des langues nationales comme langues officielles et le français demeure une langue de travail » a affirmé le ministre.
Un phénomène loin d’être isolé sur le continent
Ce tournant linguistique au Burkina Faso n’est pas un phénomène isolé dans la région francophone de l’Afrique. Récemment, le Mali a également adopté une nouvelle constitution, promulguée le 22 juillet 2023, qui repositionne les langues nationales en tant que langues officielles, réduisant le français au rang de langue de travail. Cette décision s’inscrit dans une démarche plus large de renforcement de la souveraineté et de l’identité culturelle, reflet d’un désir d’indépendance linguistique vis-à-vis de l’héritage colonial.
L’impact de ces décisions ne se limite pas à l’aspect linguistique mais touche également les relations diplomatiques. En effet, le Burkina Faso a connu des tensions avec la France, notamment avec la dénonciation des accords fiscaux de non-double imposition en août dernier et la rupture des accords militaires. Ces actions, couplées à l’évolution de la politique linguistique, témoignent d’un désir d’affirmation de l’autonomie nationale.
D’autres pays africains francophones suivent une trajectoire similaire. Au Maroc, par exemple, un virage majeur a été amorcé avec l’annonce de la ministre de la Transition numérique et de la réforme de l’administration, Ghita Mezzour, concernant une réforme éducative privilégiant l’anglais. En Algérie, l’arabe a été élevé au rang de langue officielle de l’administration publique, remplaçant progressivement le français.
Ces changements reflètent une tendance croissante en Afrique francophone, où les nations cherchent à se réapproprier leurs identités culturelles et linguistiques. En privilégiant les langues nationales et en diversifiant les langues d’enseignement et de travail, ces pays aspirent à une meilleure représentation de leur héritage culturel et à une autonomie accrue dans leur gestion interne.
Le Burkina Faso, à l’instar d’autres nations africaines, se dirige vers une ère nouvelle où le plurilinguisme et la valorisation des langues locales prennent une place centrale.
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