France : le Tchad adresse un cinglant message

Mahamat Idriss Deby (DR)

L’influence croissante de la Russie en Afrique, en contraste avec celle de la France, se dessine à travers des initiatives diplomatiques audacieuses de Moscou. La récente tournée africaine du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est révélatrice de cette dynamique. Après la chute de l’URSS, la Russie, sous la houlette de Lavrov, a intensifié ses efforts pour raviver ses anciennes alliances sur le continent. Le contexte géopolitique actuel, marqué par le conflit russo-ukrainien, accentue cette quête de soutiens face à un « bloc occidental hostile ». Cette démarche stratégique inclut des visites non seulement au Tchad mais aussi en Guinée, au Congo-Brazzaville et au Burkina Faso, historiquement dans la sphère d’influence française.

Le 5 juin 2024 à N’Djamena, une déclaration frappante du ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a illustré la nouvelle audace du Tchad sur la scène internationale. Devant un auditoire captivé, Koulamallah proclame : « Le Tchad est un État souverain qui noue des relations avec qui il veut, nous ne sommes l’otage de personne ! » Cette affirmation, soutenue par des applaudissements, souligne le refus du Tchad de se laisser dicter sa conduite extérieure, malgré les pressions.

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En réponse, Lavrov accentue la différence entre les approches diplomatiques russe et française. Il souligne que l’amitié russo-tchadienne n’influencera pas les relations entre le Tchad et la France, critiquant la politique française par un cinglant : « La France, elle, a une autre approche : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous. » Cette déclaration met en lumière les tensions croissantes entre N’Djamena et Paris, dans un contexte où le Tchad évalue ses alliances traditionnelles.

Outre la Russie, le Tchad a élargi ses horizons en tissant des liens sécuritaires avec plusieurs autres pays, dont les Émirats arabes unis, la Turquie et la Hongrie. Cette diversification intervient dans un moment où le pays se trouve stratégiquement encadré par des zones de conflits comme la Libye, le Soudan et la Centrafrique. Le président Mahamat Idriss Déby, successeur de son père, est particulièrement conscient de l’évolution des attentes de ses concitoyens qui remettent en cause l’alliance privilégiée avec la France.

Les répercussions de ce réajustement diplomatique ne se limitent pas à la France. En avril, en signe de désaccord sur certaines politiques de défense, les États-Unis ont retiré presque toutes leurs troupes du Tchad. Ce retrait symbolise également un tournant dans les relations internationales du Tchad, qui semble de plus en plus enclin à jouer une carte plus autonome sur l’échiquier géopolitique mondial.

L’épisode à N’Djamena révèle une stratégie claire du Tchad visant à maximiser sa marge de manœuvre internationale. En rejetant toute forme de dépendance, le Tchad affirme sa volonté de piloter librement sa politique extérieure, marquant ainsi un nouveau chapitre dans ses relations avec la France et ouvrant potentiellement la voie à une ère de coopérations plus diversifiées et équilibrées.

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