Le projet colossal de construction d’un pipeline entre la Russie et la Chine, baptisé « Force de Sibérie 2 », met en lumière les divergences entre la Chine et son voisin allié la Russie. Cette entreprise ambitieuse, étalée sur 6700 kilomètres, vise à relier les vastes étendues sibériennes au Xinjiang chinois, mais les conditions dictées par Pékin révèlent un rapport de force largement favorable à la Chine, laissant la Russie dans une position délicate.
L’initiative de ce gazoduc découle d’un accord historique conclu en mai 2014, seulement deux mois après l’invasion de la Crimée par la Russie, un acte qui a suscité des tensions avec l’Occident. Désireuse de s’éloigner des marchés européens, Moscou s’est tournée vers l’Est, concluant un partenariat avec Pékin pour la construction du premier gazoduc, baptisé « Force de Sibérie ». Ce projet, long de près de 4000 kilomètres, symbolisait un tournant majeur dans les relations énergétiques entre les deux géants, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère de coopération.
Le « Force de Sibérie » a été achevé avec succès en 2019, scellant ainsi un accord historique entre Gazprom, le géant gazier russe, et la China National Petroleum Corporation (CNPC), la compagnie pétrolière nationale chinoise. Cet accord colossal garantissait à la Chine l’approvisionnement en gaz naturel russe sur une durée de 30 ans, représentant ainsi le plus gros contrat jamais signé par Gazprom. Cette décision stratégique a permis à la Russie de diversifier ses partenariats économiques et de réduire sa dépendance vis-à-vis des marchés européens.
Cependant, l’histoire semble prendre un tournant inattendu avec le projet de « Force de Sibérie 2 ». Malgré les plans ambitieux visant à étendre le réseau gazier russe vers l’ouest de la Sibérie et à traverser la Mongolie pour rejoindre les champs gaziers du Xinjiang en Chine, les négociations ont récemment échoué. Les exigences jugées excessives de la Chine, notamment en termes de prix et de volume d’achat, ont conduit à une impasse dans les pourparlers.
Selon des sources proches du dossier citées par le Financial Times, la Chine ne semble disposée qu’à acheter qu’une fraction minime de la capacité annuelle prévue du gazoduc, tout en exigeant des prix proches de ceux pratiqués sur le marché intérieur russe, largement subventionné. Cette situation met en évidence le déséquilibre croissant dans les relations sino-russes, où la Russie semble être en position de faiblesse économique face à la puissance émergente de la Chine.
Le contexte géopolitique et économique joue également un rôle crucial dans cette dynamique. Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2014, la Russie a vu son accès au marché européen se rétrécir, l’obligeant à chercher de nouveaux débouchés. Dans ce contexte, la Chine est devenue une option incontournable pour l’économie russe, avec des échanges commerciaux explosifs entre les deux pays au cours des dernières années.
En effet, les échanges économiques entre la Russie et la Chine ont connu une croissance spectaculaire, passant de 64 milliards de dollars en 2016 à 240 milliards l’an dernier, marquant ainsi un nouveau record. Cette tendance est particulièrement notable dans le secteur pétrolier, où la Chine a considérablement augmenté ses importations de pétrole russe, comblant ainsi le vide laissé par les pays du G7, qui ont réduit leurs importations en réponse aux actions de la Russie en Ukraine.
Dans l’ensemble, le projet de pipeline « Force de Sibérie 2 » illustre non seulement les défis économiques auxquels est confrontée la Russie dans un contexte géopolitique changeant, mais souligne également l’ascendant croissant de la Chine dans la région. Alors que les négociations stagnent et que les intérêts divergents des deux puissances s’entrechoquent, l’issue de cette impasse pourrait avoir des répercussions significatives sur l’équilibre des pouvoirs économiques en Eurasie.
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