Afrique : les leaders de l’AES furieux contre un responsable de l’UA

Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré (Photo DR)

Le Sahel, cette vaste étendue qui traverse l’Afrique d’est en ouest, est depuis longtemps le théâtre de défis sécuritaires majeurs. Face à la menace croissante du djihadisme et aux difficultés économiques, trois pays – le Niger, le Mali et le Burkina Faso – ont décidé de prendre leur destin en main. En janvier 2024, ils ont annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour former l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette décision audacieuse, motivée par un désir d’autonomie et de solidarité régionale, a rapidement suscité des réactions mitigées sur la scène internationale.

La création de l’AES marque un tournant dans la géopolitique ouest-africaine. Telle une forteresse érigée au cœur du Sahel, cette nouvelle confédération aspire à devenir un rempart contre l’instabilité et un moteur de développement économique pour ses membres. Cependant, comme tout changement d’envergure, elle soulève des questions et des inquiétudes au sein de la communauté internationale.

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Des propos maladroits d’un responsable

C’est dans ce contexte tendu qu’une nouvelle controverse a éclaté le 11 juillet. Les leaders de l’AES ont vivement réagi aux propos d’un haut responsable de l’Union africaine (UA), accusé d’avoir critiqué leur décision de quitter la CEDEAO. Cette réaction illustre les tensions croissantes entre les nouvelles aspirations régionales et les structures panafricaines.

Le cœur du différend réside dans une déclaration attribuée au commissaire de l’UA chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité. Lors du sommet de la CEDEAO à Abuja le 8 juillet, ce dernier aurait affirmé que le retrait des trois pays était « inacceptable » pour l’UA, exprimant sa conviction en « une seule CEDEAO ». Ces propos ont été perçus par les ministres des affaires étrangères de l’AES comme une ingérence indue dans leurs affaires intérieures.

La réaction de l’AES ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué conjoint, les trois pays ont fermement condamné cette prise de position, la qualifiant de « jugement de valeur » déplacé. Ils ont souligné que le statut de fonctionnaire de l’UA ne conférait aucun droit d’interférer dans les décisions souveraines des États membres.

Cette situation met en lumière les défis de gouvernance et de diplomatie auxquels l’Afrique est confrontée. D’un côté, nous avons des pays cherchant à redéfinir leur place sur l’échiquier régional, de l’autre, des institutions continentales s’efforçant de maintenir une cohésion panafricaine au détriment de la diplomatie. C’est un peu comme si, dans une famille, des frères décidaient de quitter la maison familiale pour fonder leur propre foyer, tandis que les parents insisteraient pour maintenir l’unité du clan.

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Les enjeux vont bien au-delà d’une simple querelle diplomatique. La création de l’AES et les réactions qu’elle suscite soulèvent des questions fondamentales sur l’avenir de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. La CEDEAO, qui a prévenu que la région risquait la « désintégration », se trouve face à un dilemme : comment concilier les aspirations d’autonomie de certains membres avec la vision d’une communauté économique forte et unie ?

Par ailleurs, cette situation met en exergue les défis auxquels sont confrontés les pays du Sahel. Luttant depuis des années contre des violences djihadistes meurtrières, ces nations cherchent des solutions adaptées à leur réalité locale. Leur décision de former l’AES peut être vue comme une tentative de mutualiser leurs efforts et leurs ressources pour mieux faire face à ces menaces.

L’avenir dira si l’AES parviendra à s’imposer comme un modèle de coopération régionale efficace, et comment les institutions panafricaines s’adapteront à ces nouvelles dynamiques. Une chose est sûre : l’Afrique de l’Ouest est à un carrefour de son histoire, et les décisions prises aujourd’hui façonneront son destin pour les décennies à venir.

4 réponses

  1. Avatar de sonagnon
    sonagnon

    De ces trois militaires au pouvoir dans le Sahel, c’est seulement le général Tchiani que j’observe avec beaucoup de compréhension.

    Il est certainement embarqué dans une situation à laquelle il n’est pas préparé, mais en tant qu’officier soucieux de préserver la paix et les intérêts de son pays, il se sent dans l’obligation de tout assumer.

    Il me fait penser à un certain Mathieu KEREKOU qui était révolutionnaire malgré lui.
    La sagesse qu’il dégage, malgré les déclarations tapageuses circonstancielles, contrastent avec sa nature, d’un homme pondéré et de paix.
    Espérons que dans l’avenir qu’il puisse quitter l’influence du colonel malien lui même sous influence du très bavard théoricien premier ministre malien et du petit capitaine Burkinabè qui pense que la vie politique est une scène de théâtre.

  2. Avatar de Tchité
    Tchité

    Même chose pour CEDEAO et son parlement, rien de sérieux. Des députés non élus par le peuple. Au moins en Europe, les votes ont lieu et les résultats sont connus, mêmes si discutables.

  3. Avatar de Tch
    Tch

    L’uranium qui n’existe que de nom, et mendie des aides de l’Europe, au lieu de s’assumer, à quelle leçons à donner aux gens ?

    1. Avatar de Tchité
      Tchité

      L’UA existe que de nom, rien de concret, c’est une organisation sous somnifère.

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