Afrique: Russie, Chine et Occident, trois approches différentes

Photo d'illustration: Ludovic MARIN / AFP

L’Afrique est redevenue l’échiquier géopolitique par excellence des grandes puissances mondiales. Après des décennies de relative négligence post-coloniale, le continent attire à nouveau l’attention des acteurs internationaux, séduits par ses ressources naturelles abondantes, sa démographie dynamique et son potentiel économique croissant. Cette ruée vers l’Afrique s’inscrit dans un contexte de compétition globale accrue, où chaque puissance cherche à étendre son influence et à sécuriser ses intérêts stratégiques. Les États-Unis, l’Union européenne, la Chine et la Russie rivalisent désormais d’ingéniosité pour tisser des liens privilégiés avec les nations africaines, déployant un arsenal d’outils diplomatiques, économiques et sécuritaires pour s’imposer comme partenaires de choix.

Dans cette course à l’influence, la Chine et la Russie ont développé des stratégies distinctes mais complémentaires. Selon un rapport publié en juin 2024 par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), Pékin mise sur une approche principalement économique, incarnée par son initiative des nouvelles routes de la Soie. Cette stratégie se traduit par des investissements massifs dans les infrastructures et le commerce, faisant de la Chine le premier partenaire commercial de l’Afrique avec des échanges s’élevant à 282 milliards de dollars en 2022. Pour protéger ses intérêts grandissants et sa diaspora estimée à plus d’un million de personnes sur le continent, la Chine a déployé plus de 20 entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) dans près de trente pays africains.

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Le rapport de la FRS indique que ces ESSD chinoises se concentrent sur des services marchands tels que l’évaluation des risques, la formation et la protection de sites. Elles suivent la présence économique chinoise, s’implantant majoritairement dans des pays comme le Nigeria et l’Afrique du Sud, où les communautés chinoises sont les plus importantes. Cependant, ces sociétés évitent généralement les zones à haut risque comme le Mali ou la Centrafrique, révélant un manque d’expérience en matière de gestion de crises sécuritaires complexes. Malgré leur apparente indépendance, ces ESSD restent étroitement liées à l’État chinois, servant souvent de relais pour renforcer l’influence et le contrôle de Pékin sur le continent.

La Russie, quant à elle, adopte une approche plus directe et militarisée. Toujours selon le rapport de la FRS, Moscou s’appuie largement sur des sociétés militaires privées, dont la plus emblématique est le groupe Wagner, rebaptisé Africa Corps après la mort de son fondateur Evgueni Prigojine. Ces entités, à la frontière entre le privé et l’étatique, permettent à la Russie de projeter son influence à moindre coût, tout en maintenant une certaine ambiguïté sur son implication directe. L’Africa Corps, placé sous la tutelle du ministère de la Défense russe, illustre la volonté de Moscou de contrôler plus étroitement ses opérations en Afrique. Cette stratégie russe vise à rehausser le statut de grande puissance de Moscou, à façonner l’ordre international selon sa vision et à contrer l’influence occidentale sur le continent.

Face à ces nouvelles dynamiques, l’approche occidentale en Afrique fait l’objet de vives critiques. Longtemps accusés de néocolonialisme et de conditionnalité excessive de leur aide, les pays occidentaux peinent à renouveler leur image et leur stratégie sur le continent. Leurs interventions militaires, comme en Libye ou au Sahel, ont souvent été perçues comme déstabilisatrices, alimentant un sentiment anti-occidental dans certaines régions. De plus, la tendance à prioriser les intérêts économiques et sécuritaires à court terme au détriment d’un véritable partenariat de développement a érodé la confiance de nombreux pays africains envers les puissances occidentales.

Cette compétition tripartite entre la Chine, la Russie et l’Occident dessine une nouvelle carte des influences en Afrique. Si l’approche chinoise semble privilégier une expansion économique prudente, la stratégie russe mise sur une présence plus musclée dans les zones de conflit. L’Occident, quant à lui, se trouve à la croisée des chemins, cherchant à redéfinir son engagement sur le continent. L’avenir des relations internationales en Afrique dépendra largement de la capacité de ces acteurs à adapter leurs stratégies aux aspirations réelles des nations africaines, qui cherchent des partenariats équilibrés favorisant leur développement autonome et leur sécurité à long terme.

Une réponse

  1. Avatar de Le Baikal
    Le Baikal

    N’oublions pas la profondeur de la colonisation française en Afrique : les autorités françaises créent dans les colonies africaines un maillage administratif sur mesure. Idéologie coloniale et civilisatrice oblige, ce système est loin de reposer sur les mêmes valeurs et principes qu’en métropole. Le gouverneur est un personnage tout-puissant nanti de pouvoirs exécutifs, législatifs et diplomatiques, et il est chargé d’administrer la colonie autant que d’assurer la mise en place concrète du dessein colonial : développer, éduquer, soigner, évangéliser, en un mot, « civiliser ».
    Oui , civiliser à la française , c’est à dire inculquer les principes sociaux français aux populations africaines, c’est tout l’échec de cette colonisation. Une fois indépendants, comment ces États africains portent-ils l’héritage de ces décennies de relations ambiguës avec les autorités coloniales ?
    Ce principe est compris par la Chine et la Russie qui ne s’imiscent pas dans l’ordre sociale , mais inculquer des valeurs de travail, de recherches et de réalisation : émancipation des sociétés.

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