L’Afrique, berceau de richesses minérales convoitées, a longtemps été le théâtre d’une exploitation peu scrupuleuse de ses ressources naturelles. Parmi ces trésors enfouis, le coltan et la cassitérite occupent une place de choix, alimentant les industries technologiques mondiales et attisant les convoitises internationales. Ces minerais, essentiels à la fabrication de composants électroniques, ont fait l’objet d’une ruée moderne, transformant certaines régions du continent en zones de conflits et d’instabilité. Dans ce contexte, le Burundi, petit pays d’Afrique de l’Est, vient de faire une découverte qui pourrait bouleverser son destin économique, tout en ravivant les fantômes d’un passé colonial douloureux.
Une découverte qui soulève des questions
Le 17 juillet 2024, lors d’une visite présidentielle, les dirigeants de la société minière Burundi Metal Company (BUMECO) ont annoncé avoir mis au jour un gisement colossal de cassitérite et de coltan dans la province de Kirundo, au nord-est du pays. Cette révélation, qualifiée de « découverte du siècle » par ses promoteurs, promet des retombées économiques considérables pour le Burundi, un pays qui figure parmi les plus pauvres du monde. Selon Gaspard Ngendakumana, directeur général de BUMECO, une seule galerie de la mine de Murehe renfermerait pas moins de 12,7 millions de tonnes de cassitérite, pour une valeur estimée à plus de 50 milliards de dollars.
Cette annonce spectaculaire a cependant été accueillie avec un mélange d’euphorie et de scepticisme par la population burundaise. L’absence d’études préalables d’exploration et le manque de transparence entourant cette découverte ont alimenté les doutes quant à sa véracité et à son ampleur réelle. Certains observateurs évoquent la possibilité qu’il s’agisse simplement d’une ancienne mine désaffectée, remise au goût du jour pour des raisons politiques ou économiques.
Les accusations du président Ndayishimiye contre l’ancienne puissance coloniale
Au-delà des interrogations sur la nature exacte de cette découverte, c’est son histoire présumée qui a provoqué une onde de choc politique. Le président Évariste Ndayishimiye n’a pas hésité à pointer du doigt l’ancienne puissance coloniale, la Belgique, l’accusant d’avoir délibérément dissimulé l’existence de cette mine aux Burundais pendant des décennies. Selon les déclarations présidentielles, les colons belges auraient exploité le gisement pendant 50 ans avant de le sceller hermétiquement au moment de l’indépendance, allant jusqu’à le recouvrir de béton armé et à planter des arbres pour en faire une « réserve naturelle ».
Ces accusations graves ont ravivé le débat sur l’héritage colonial et ses conséquences à long terme sur le développement économique des pays africains. Le président Ndayishimiye a fustigé l’hypocrisie des anciennes puissances coloniales qui, selon lui, « se moquent de nous en disant que le Burundi est le pays le plus pauvre du monde » tout en ayant « tout fait pour nous cacher ce trésor sur lequel nous sommes assis ». Cette rhétorique, mêlant espoir économique et ressentiment historique, résonne fortement dans un pays en proie à une grave crise socio-économique, marquée par des pénuries de carburant, de sucre et de médicaments.
La découverte de Kirundo, qu’elle soit avérée ou non, soulève des questions cruciales sur la gestion des ressources naturelles en Afrique et sur les relations persistantes entre les anciennes colonies et leurs métropoles. Elle met en lumière la nécessité d’une plus grande transparence dans l’exploitation minière et d’une répartition équitable des richesses issues du sous-sol africain. Pour le Burundi, cette annonce pourrait marquer un tournant, offrant une lueur d’espoir à une population éprouvée par des années de difficultés économiques. Cependant, l’histoire du continent nous rappelle que la présence de ressources naturelles n’est pas une garantie de prospérité, et que leur exploitation doit s’accompagner d’une gouvernance responsable et d’une vision à long terme pour véritablement bénéficier à l’ensemble de la population.
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