Le tourisme, pilier économique majeur du Maghreb, se trouve confronté à des défis considérables en Tunisie. Ce secteur, qui peut représenter jusqu’à 14% du PIB national lors des meilleures années, génère des dizaines de milliers d’emplois dans un pays où le chômage atteint des niveaux préoccupants, particulièrement chez les jeunes. Les autorités tunisiennes, conscientes de l’importance de cette industrie, visent ambitieusement 10 millions de visiteurs pour l’année 2024. Cependant, cette aspiration se heurte à une menace grandissante : l’érosion côtière, qui met en péril l’attrait principal du pays, ses plages méditerranéennes.
À Hammamet, station balnéaire emblématique située à 60 kilomètres de Tunis, l’urgence de la situation est palpable. Des pelleteuses s’activent pour restaurer une plage en voie de disparition, symbole d’un modèle touristique basé sur les stations balnéaires. Cette opération de rechargement en sable, supervisée par l’Agence de protection et d’aménagement du littoral (APAL), illustre les efforts désespérés pour préserver ce que Chiheb Ben Fredj, secrétaire général de l’Association d’éducation relative à l’environnement (AERE), décrit comme « la carte postale de Hammamet ».
L’ampleur du problème est alarmante. Sur la dernière décennie, Hammamet a perdu 24 000 m² de plage, avec un recul annuel du trait de côte de 3 à 8 mètres entre 2006 et 2019. Ce phénomène n’est pas isolé : l’ensemble du littoral tunisien est menacé, avec une perte moyenne de 1,5 mètre de côte par an, ayant déjà englouti 90 km de plage.
Les causes de cette érosion accélérée sont multiples. L’urbanisation incontrôlée figure au premier rang des coupables, aggravée par les effets du changement climatique. La disparition des dunes bordières, essentielles au rechargement naturel en sable, et l’aménagement irrespectueux des écosystèmes côtiers, notamment le recouvrement des « oueds » (rivières charriant les sédiments), ont considérablement fragilisé le littoral.
Face à cette crise, les autorités et les acteurs locaux multiplient les initiatives. À Hammamet, 15 000 m³ de sable ont été déversés sur la plage du centre-ville en juin, une opération coûteuse mais jugée nécessaire par Narjess Bouasker, directrice de l’hôtel Menara. Cependant, ces mesures sont reconnues comme provisoires et insuffisantes à long terme.
Les experts soulignent la nécessité d’une approche plus globale et durable. L’installation de digues, de structures pour fixer le sable, et la mise en place de palissades ont montré des résultats prometteurs dans certaines régions. Néanmoins, ces interventions représentent un investissement conséquent, avec un coût de 3,9 millions de dinars pour le réensablement de trois plages en 2024.
L’enjeu dépasse largement le cadre esthétique. Il s’agit de préserver un écosystème fragile tout en soutenant une économie fortement dépendante du tourisme balnéaire. La recherche d’un équilibre entre développement économique et protection environnementale s’impose comme le défi majeur pour l’avenir du tourisme tunisien.
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