Le 1er décembre 1944, un épisode tragique et longtemps occulté de l’histoire coloniale française s’est déroulé au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar au Sénégal. Des soldats africains, appelés péjorativement « tirailleurs » par l’armée française, ont été brutalement réprimés alors qu’ils réclamaient simplement leurs droits. Ces hommes, originaires de diverses régions d’Afrique, avaient combattu vaillamment pour la France durant la Seconde Guerre mondiale, risquant leur vie sur les champs de bataille européens. Pourtant, à leur retour sur le sol africain, ils furent accueillis non pas en héros, mais par les balles de leurs officiers français. Ce massacre, qui fit au moins 35 victimes selon les chiffres officiels – bien que certains historiens estiment ce nombre largement sous-évalué – est emblématique du traitement injuste et discriminatoire réservé aux soldats africains qui ont joué un rôle crucial dans la libération de la France.
Une reconnaissance tardive
Quatre-vingts ans après les faits, la France franchit enfin un pas important vers la reconnaissance de cette page sombre de son histoire. Six soldats africains exécutés à Thiaroye viennent de recevoir à titre posthume la mention « Morts pour la France ». Cette décision historique concerne quatre Sénégalais, un Ivoirien et un Burkinabé (alors ressortissant de la Haute-Volta). Elle marque une rupture avec des décennies de silence et de déni officiel, s’inscrivant dans une volonté politique de regarder l’histoire coloniale française « en face », selon les mots du secrétariat d’État chargé des Anciens combattants et de la Mémoire.
Cette reconnaissance, bien que tardive, revêt une importance capitale. Elle offre enfin une forme de justice et de dignité à ces hommes qui ont payé de leur vie leur engagement pour la France. De plus, elle ouvre la voie à une possible réhabilitation d’autres victimes, le secrétariat d’État ayant indiqué que cette première décision pourrait être complétée à mesure que l’identité d’autres soldats tués serait établie avec certitude.
Vers un changement
La décision française de reconnaître ces soldats comme « Morts pour la France » résonne comme un écho lointain aux paroles de l’ancien président François Hollande, qui avait rendu hommage aux victimes de Thiaroye en 2012 et 2014. Elle marque une nouvelle étape dans le processus de réconciliation mémorielle entre la France et ses anciennes colonies africaines. Pour certains les descendants de ces braves hommes doivent être dédommagés
Cependant, le travail de mémoire est loin d’être achevé. Des zones d’ombre persistent, notamment concernant le nombre exact de victimes et leur lieu d’inhumation.
La reconnaissance des six soldats africains comme « Morts pour la France » représente ainsi bien plus qu’un simple geste symbolique. Elle constitue une étape significative vers une réévaluation plus juste et équitable du rôle joué par les soldats africains dans l’histoire militaire française. En levant le voile sur ce passé douloureux, la France ouvre la voie à un dialogue plus sincère avec ses anciennes colonies, contribuant à forger une mémoire collective qui reconnaît pleinement la contribution et les sacrifices des soldats africains.
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