Le Nigeria, géant pétrolier africain, traverse une période de turbulences dans son secteur énergétique. Au cœur de cette tempête se dresse la raffinerie Dangote, un projet titanesque de 20 milliards de dollars. Inaugurée en janvier avec l’ambition de transformer le pays d’importateur en exportateur de carburants, cette installation peine à atteindre sa vitesse de croisière. Conçue pour produire 650 000 barils par jour, elle n’en raffine actuellement que la moitié environ. Face à ces défis, son fondateur, Aliko Dangote, n’hésite pas à pointer du doigt l’existence d’une « mafia » dans le secteur pétrolier, qu’il juge « pire que celle de la drogue ». Ces accusations révèlent l’ampleur des intérêts en jeu et la résistance au changement dans un domaine vital pour l’économie nigériane.
Une bouée de sauvetage présidentielle
Alors que les tensions s’accumulent, le président Bola Tinubu vient de lancer une bouée de sauvetage à la raffinerie Dangote. Lundi, il a signé un décret ordonnant à la compagnie pétrolière nationale NNPC de vendre du pétrole brut en naira, la monnaie locale, à Dangote et aux autres raffineries nationales émergentes. Cette décision, annoncée par Bayo Onanuga, conseiller spécial du président pour l’information et la publicité, vise à stabiliser les prix à la pompe du carburant raffiné et le taux de change entre le dollar et le naira.
Selon des révélations exclusives de SaharaReporters, ce geste présidentiel fait suite à une rencontre entre Tinubu et Dangote le samedi précédent, orchestrée par Gilbert Chagouri, un allié libanais du président. Cette réunion aurait permis de résoudre les différends entre les deux hommes, marquant un tournant dans leurs relations tendues. En effet, des sources rapportent que Dangote n’aurait pas soutenu financièrement la campagne électorale de Tinubu en 2023, contrairement à son habitude avec d’autres candidats.
Un bras de fer au sommet de l’État
La décision de Tinubu intervient dans un contexte de tensions croissantes entre Dangote et les responsables du secteur pétrolier nommés par le président. Farouk Ahmed, PDG de l’Autorité nigériane de régulation du pétrole en aval et intermédiaire (NMDPRA), avait récemment remis en question la qualité des produits de la raffinerie Dangote, citant l’absence de licences nécessaires et l’état inachevé de l’installation.
En réponse, Dangote avait révélé avoir abandonné ses projets d’investissement dans le secteur sidérurgique nigérian pour éviter les accusations de monopolisation. Il avait même exprimé sa volonté de vendre sa raffinerie à la NNPC, tout en déplorant les difficultés d’accès au pétrole brut nigérian, pointant du doigt la frustration des compagnies pétrolières internationales.
Un pari risqué pour l’avenir énergétique du Nigeria
L’intervention de Tinubu en faveur de Dangote représente un pari audacieux pour l’avenir énergétique du Nigeria. Si la raffinerie parvient à surmonter ses difficultés initiales, elle pourrait générer des milliers d’emplois, stimuler l’économie locale et améliorer la balance commerciale du pays. Le succès de ce projet enverrait un signal fort aux investisseurs potentiels, démontrant la capacité du Nigeria à mener à bien des projets industriels d’envergure mondiale.
Cependant, cette décision n’est pas sans risques. Elle pourrait être perçue comme du favoritisme envers Dangote, déjà considéré comme l’homme le plus riche d’Afrique. De plus, la vente de pétrole brut en naira pourrait avoir des répercussions sur les revenus du gouvernement, dans un contexte où la monnaie nationale est déjà sous pression.
Malgré ces défis, le soutien de Tinubu à la raffinerie Dangote témoigne de l’importance stratégique de ce projet pour l’économie nigériane. En cherchant à réduire la dépendance aux importations de carburant, Dangote s’attaque à un problème qui mine l’économie nigériane depuis des décennies. Le succès ou l’échec de cette initiative pourrait bien déterminer l’avenir énergétique non seulement du Nigeria, mais de toute l’Afrique de l’Ouest.
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