Afrique – Chine : un nouveau pic constaté dans ce domaine

(Selim Chtayti/AP/Sipa)

L’engagement de la Chine en Afrique remonte aux années 1950, marqué par le soutien aux mouvements de libération et la coopération économique. Initialement motivée par des considérations idéologiques, la présence chinoise s’est progressivement transformée en une stratégie géoéconomique complexe. Le lancement du Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FOCAC) en 2000 a marqué un tournant, intensifiant les échanges commerciaux et les investissements. Cette approche, caractérisée par une politique de non-ingérence et des prêts sans conditions politiques, a séduit de nombreux pays africains en quête d’alternatives aux partenaires occidentaux traditionnels. Au fil des années, la Chine est devenue un acteur incontournable du développement africain, finançant des projets d’infrastructure colossaux et s’imposant comme le premier partenaire commercial du continent.

Une reprise significative des prêts chinois

L’année 2023 a marqué un regain d’activité dans les relations financières sino-africaines. Selon le rapport du Global Development Policy Center de l’Université de Boston, les prêts chinois à l’Afrique ont bondi à 4,61 milliards de dollars, soit leur niveau le plus élevé depuis 2019. Cette augmentation contraste nettement avec les 994,48 millions de dollars octroyés en 2022, signalant une reprise de l’engagement financier de Pékin sur le continent.

Publicité

Toutefois, ce montant reste en deçà des sommes astronomiques déboursées entre 2013 et 2018, période faste qui a vu les prêts chinois dépasser régulièrement les 10 milliards de dollars annuels. Cette modération relative témoigne d’une approche plus circonspecte de la part de la Chine, confrontée à la fois à ses propres défis économiques intérieurs et aux difficultés croissantes de remboursement de certains pays africains.

Une stratégie de diversification des risques

L’évolution la plus frappante dans la politique de prêts chinoise en 2023 réside dans la réorientation des fonds vers les institutions financières africaines. Plus de la moitié des prêts, soit 2,59 milliards de dollars, ont été alloués à des banques multilatérales africaines et à des établissements bancaires égyptiens. Cette nouvelle répartition tranche avec la tendance observée entre 2000 et 2022, où seulement 5,29% des prêts étaient destinés à ce type d’institutions.

Ce pivot stratégique peut être interprété comme une manœuvre de Pékin pour atténuer son exposition directe aux risques liés à l’endettement des États africains. En privilégiant les intermédiaires financiers, la Chine cherche à se prémunir contre les aléas économiques et politiques tout en maintenant son influence sur le continent. Cette approche pourrait également favoriser une meilleure répartition des fonds et stimuler le développement du secteur bancaire africain.

Des investissements structurants sur le long terme

Depuis le début du millénaire, l’engagement financier de la Chine en Afrique a atteint des proportions considérables. Le rapport révèle que, entre 2000 et 2023, les prêteurs chinois ont accordé 1306 prêts totalisant 182,28 milliards de dollars à 49 gouvernements africains et 7 institutions financières régionales. Cette manne financière a principalement ciblé des secteurs névralgiques pour le développement économique du continent.

Publicité

Le secteur de l’énergie a capté la part du lion avec 62,72 milliards de dollars, suivi de près par les infrastructures de transport (52,65 milliards). Les technologies de l’information et de la communication ainsi que les services financiers ont également bénéficié d’investissements substantiels, recevant respectivement 15,67 et 11,98 milliards de dollars. Cette répartition sectorielle illustre la volonté chinoise de participer activement à la modernisation des économies africaines, en ciblant des domaines clés pour leur croissance et leur intégration dans l’économie mondiale.
L’Angola, l’Éthiopie, l’Égypte, le Nigeria et le Kenya se distinguent comme les principaux bénéficiaires de ces financements, reflétant l’importance stratégique de ces pays pour les intérêts chinois en Afrique. Cette concentration géographique des investissements soulève des questions sur l’équilibre du développement à l’échelle continentale et sur les critères de sélection des partenaires privilégiés par Pékin.

La reprise des prêts chinois en Afrique en 2023 marque un nouveau chapitre dans les relations sino-africaines. Tout en maintenant son engagement, la Chine affine sa stratégie pour minimiser les risques, notamment en diversifiant ses partenaires financiers sur le continent. Cette évolution témoigne d’une maturité croissante dans l’approche chinoise du développement africain, alliant ambition économique et prudence financière. L’avenir dira si cette nouvelle dynamique permettra de consolider un partenariat mutuellement bénéfique, capable de relever les défis complexes du développement africain tout en préservant les intérêts à long terme des deux parties.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité