L’ascension fulgurante de la Chine dans l’économie mondiale a marqué les dernières décennies. De l’électronique grand public aux infrastructures, en passant par les énergies renouvelables, l’Empire du Milieu a su s’imposer comme un acteur incontournable. Cette montée en puissance s’est appuyée sur une stratégie alliant investissements massifs, politiques industrielles ambitieuses et main-d’œuvre compétitive. Le secteur automobile, longtemps dominé par les constructeurs occidentaux et japonais, n’a pas échappé à cette dynamique. Avec l’avènement des véhicules électriques, la Chine a vu une opportunité de bouleverser l’ordre établi, capitalisant sur son expertise dans les batteries et l’électronique pour prendre une longueur d’avance.
La riposte occidentale face à l’offensive chinoise
Face à cette percée chinoise dans l’industrie automobile, l’Occident ne reste pas les bras croisés. L‘Union européenne envisage sérieusement d’imposer des droits de douane conséquents sur les voitures électriques en provenance de Chine, pouvant atteindre 38,1% pour certaines marques. Cette mesure vise à contrer ce que Bruxelles considère comme une concurrence déloyale, alimentée par des subventions gouvernementales chinoises qui permettent aux constructeurs de proposer des prix artificiellement bas. Aux États-Unis, la réaction est encore plus drastique, avec des droits de douane pouvant grimper jusqu’à 102%, rendant de facto invendables les véhicules produits hors de la zone commerciale américaine.
Ces mesures protectionnistes ne sont pas sans fondement. Une enquête menée par l’Union européenne a mis en lumière les avantages dont bénéficient les constructeurs chinois grâce au soutien de Pékin. Les marques ayant coopéré à cette investigation, comme BYD et Geely, s’en sortent avec des pénalités moindres, respectivement de 17,4% et 20%. En revanche, celles qui ont refusé de collaborer, à l’instar de MG, filiale du groupe public SAIC, se voient infliger le taux maximal.
La stratégie innovante de Polestar
Dans ce contexte tendu, une marque chinoise se distingue par son approche astucieuse : Polestar. Membre du groupe Geely, aux côtés de Volvo et Zeekr, Polestar a élaboré une stratégie pour contourner les barrières douanières tout en préservant sa compétitivité sur le marché européen. La clé de cette manœuvre réside dans la délocalisation de sa production hors de Chine, tirant parti des accords commerciaux existants entre l’Union européenne et d’autres pays.
Dès l’année prochaine, le SUV Polestar 3 destiné au marché européen ne sera plus fabriqué en Chine, mais aux États-Unis, dans l’usine de Charleston. Cette décision permet à la marque de bénéficier d’un tarif d’importation réduit de moitié (10%) grâce à un accord mutuel entre l’UE et les États-Unis. Pour son modèle Polestar 4, la marque a conclu un partenariat avec Samsung-Renault en Corée du Sud, profitant ainsi de l’accord de libre-échange entre Séoul et Bruxelles qui supprime totalement les droits de douane.
Un jeu d’équilibriste mondial
La stratégie de Polestar ne se limite pas à l’Europe. La marque exploite habilement la réglementation américaine qui permet, pour chaque véhicule produit localement et exporté, d’importer un véhicule chinois sans frais de douane. Ainsi, pour chaque Polestar 3 expédié vers l’Europe depuis les États-Unis, une Polestar 2 fabriquée en Chine peut entrer sur le marché américain sans pénalité.
Cette approche globale permet à Polestar de maintenir sa compétitivité sur les marchés occidentaux tout en contournant les barrières douanières. La marque envisage même d’étendre sa présence en Europe avec une potentielle production locale, peut-être en collaboration avec Volvo dans son usine belge de Gand ou dans sa future usine slovaque.
L’agilité dont fait preuve Polestar illustre la capacité d’adaptation des entreprises chinoises face aux défis géopolitiques et économiques. En jouant sur plusieurs tableaux et en tirant parti des accords commerciaux existants, la marque parvient à maintenir sa croissance malgré les tentatives occidentales de freiner l’expansion chinoise dans le secteur automobile. Cette stratégie pourrait bien servir de modèle à d’autres constructeurs chinois cherchant à s’implanter durablement sur les marchés occidentaux, redéfinissant ainsi les contours de la compétition mondiale dans l’industrie automobile électrique.
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