À moins de deux ans des élections générales en 2026, un débat intense s’anime autour des modifications apportées au cadre juridique encadrant ce scrutin crucial. Les réformes, introduites depuis 2016, touchent des aspects fondamentaux tels que les conditions de candidature et les modalités de participation au vote. Si les partisans des nouvelles lois les considèrent comme un gage de transparence et d’efficacité, l’opposition et la société civile y voient une menace pour la démocratie et la stabilité du pays.
Le cadre juridique actuel des élections au Bénin est conçu pour servir les intérêts d’une seule personne qu’est Patrice Talon. C’est ce que pense le journaliste, juriste et politologue Expédit Ologou. Dans un panel qu’il a animé avec Grand reporter Bénin, il déclare que « s’il y a un constat objectif que l’on peut faire depuis 2016 pour être objectif, c’est que le cadre juridique des élections sous le régime de la rupture est plus compatible à l’un des scénarii prévus par les études perspectives à long terme sur notre pays, qui est le scénario de waxala. Et c’est paradoxal que plus on s’approche de l’échéance des études perspectives sur le Bénin au plan politique, on se rapproche plus du scénario waxala que du scénario alafia ».
Et pour s’en convaincre, Expédit Ologou invite les béninois à regarder les différentes élections organisées depuis l’arrivée du régime de la rupture au pouvoir. « 2019, élections auxquelles les partis d’opposition n’ont pu participer, élections la plus violentes de l’histoire politique du Bénin depuis 1990. 2020, façade de paix avec un parti d’opposition entre guillemet, qui est dans la peau de l’opposition dans la journée mais dort dans les bras de la majorité la nuit. 2021, exclusion des candidats à l’élection présidentielle. Le chef de l’Etat rempile avec des concurrents que chacun sait, comme des épouvantails ».
2026 suscite beaucoup d’inquiétudes
Selon Expédit Ologou tout le monde regarde 2026 avec beaucoup de peur et de crainte, quand on voit les dispositions légales. Il s’en dégage alors un constat important. « Le cadre juridique des élections au Bénin répond à une philosophie globale du pouvoir du président de la république. C’est une sorte de capture de la démocratie qui consiste à récupérer l’ensemble des acteurs qui font vivre la démocratie de façon relativement plus libre, à les contenir, à les manipuler, à les maintenir de sorte que chacun de ses acteurs ne soit pas en position de résister à l’acteur dominant qu’est le président de la république. Et cela peut se lire sur tous les plans ». Des propos qui rejoignent ceux de l’ancien président de la cour suprême Ousmane Batoko qui affirmait il y a quelques jours que « la démocratie béninoise ne respire pas ».
Et cette philosophie du pouvoir décrite par Expédit Ologou « conduit un peu à une sorte de récupération et de rattrapage par la loi de ce qu’on n’a pas eu par la légitimité populaire ». Et l’exemple le plus patent selon le politologue, c’est la désignation des maires actuellement en poste. En effet, « dans le rang des maires qui sont là, il y a une partie qui a été élue. Et au moment où on sentait que les élections par les conseils communaux ne plairaient pas à l’acteur dominant qu’est le président de la république, on a eu une suspension de la loi pour aller la revoir, parce qu’on a la majorité à l’assemblée nationale, pour dire que ce sont les partis politiques qui vont désigner les maires », rappelle-t-il.
Instabilité législative
Mais on peut aller plus loin. « Le cadre juridique des élections à l’heure actuelle montre quelque chose de formidable à analyser du point de vue politique. C’est que l’acteur majoritaire qui dispose de la majorité comme on l’a vu depuis 2019, est en permanence en conflit avec la loi. Si la loi qui est votée par sa majorité ne lui plait pas, il retourne, retouche et revoit. Donc seul, il est en conflit avec tout le monde et avec la loi », informe Expédit Ologou.
Avec un peu de recul et une petite analyse, il est facile de se rendre compte du piège que constitue le cadre juridique actuel des élections. « Ce qui échappe à toute analyse pour le moment c’est par quel calcul la loi en est arrivée à un pourcentage de parrainage qui correspond exactement au nombre de député du parti Les Démocrates. Ce qui revient à dire que si par extraordinaire, tout pouvant se passer en politique, un seul député de ce parti n’est pas en situation de parrainer, Les Démocrates n’ont plus de parrainage pour les élections. Ce qui confirme que nous sommes dans une capture de la démocratie pour servir une seule personne, le président de la république », analyse l’ex-journaliste Expédit Ologou. Il en ressort qu’en 2026 on risque bien d’avoir encore des élections sans choix.
Face à cette situation, et malgré les cris d’alarme de l’opposition et de la société civile sur des risques de sécurité et du manque de garanties de stabilité démocratique, l’acteur majoritaire comme Expédit Ologou le désigne avance, fidèle à sa logique. Plusieurs leaders de l’opposition ont en effet dénoncé une volonté du pouvoir en place de consolider son contrôle sur le processus électoral. Des voix appellent à un dialogue national. Mais selon le Président Patrice Talon, le Bénin n’est pas en crise. À mesure que 2026 approche, l’inquiétude grandit. Alors que le débat fait rage, les citoyens, eux, expriment une attente claire : que les élections de 2026 soient le reflet fidèle de leur volonté. (Rejoignez la famille des abonnés de la chaîne WhatsApp de La Nouvelle Tribune en cliquant sur le lien https://whatsapp.com/channel/0029VaCgIOFL2ATyQ6GSS91x)
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