Mis en esclavage en France, un maghrébin témoigne

Juge - avocat
Photo Istock

L’agriculture européenne traverse une période charnière, marquée par un besoin croissant de main-d’œuvre saisonnière. Les exploitations agricoles peinent à recruter localement, conduisant de nombreux agriculteurs à faire appel à des travailleurs étrangers, notamment issus du Maghreb. Cette situation, combinée aux promesses d’une vie meilleure en Europe, attire chaque année des milliers de jeunes vers les champs français. Pourtant, derrière certaines offres d’emploi alléchantes se cachent parfois des réseaux qui réduisent ces travailleurs à l’état d’esclaves modernes, comme en témoigne une affaire jugée au tribunal correctionnel d’Agen.

Des rêves brisés par l’exploitation

Oussama, jeune Marocain de 20 ans, a quitté son pays natal pour Bordeaux, porteur d’espoirs et d’ambitions. La réalité l’attendant sur place s’est révélée brutale : logé dans une chambre insalubre avec six autres personnes, il s’est retrouvé contraint de travailler jusqu’à onze heures par jour sous des températures avoisinant les 36 degrés. Sans équipement de protection, vêtu d’un simple short et d’un t-shirt, le jeune homme s’est rapidement senti traité comme un esclave dans cette plantation de légumes du Lot-et-Garonne.

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Une machine à broyer les hommes

Le système d’exploitation mis en place par son employeuse s’est révélé implacable. Privé de liberté de mouvement, de soins médicaux et même de sa rémunération, Oussama s’est vu refuser l’accès aux services de santé lorsque son état s’est détérioré. L’employeuse utilisait la menace d’une expulsion comme moyen de pression, rappelant constamment à ses victimes leur vulnérabilité face aux autorités : « Tu es comme un esclave, tu travailles ou t’es à la maison, sinon tu retournes au Maroc« . Cette situation n’était pas isolée : une vingtaine d’autres travailleurs partageaient le même sort dans l’exploitation d’Espiens.

Le prix de l’espoir

L’affaire révèle un système organisé d’exploitation où l’employeuse, devenue sous-traitante pour d’autres agriculteurs, recrutait ses victimes via des réseaux au Maroc. Les familles, désireuses d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants, versaient jusqu’à 10 000 euros pour leur permettre de travailler en France. Selon Maître Sylvia Goudenège-Chauvin, avocate d’Oussama, ces familles investissaient leurs économies dans ce qui devait être une opportunité, mais se révélait être un piège. L’audience au tribunal correctionnel d’Agen, ouverte ce 18 décembre, représente pour ces travailleurs l’espoir d’obtenir justice et réparation face à ce système qui transforme les rêves d’une vie meilleure en un véritable esclavage moderne.

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