Depuis plusieurs décennies, la Chine fait l’objet de soupçons récurrents sur sa stratégie d’acquisition de technologies étrangères, notamment dans les secteurs sensibles comme l’aéronautique. Accusée à plusieurs reprises de recourir à l’espionnage industriel pour accélérer son développement, elle a souvent nié ces allégations, affirmant investir massivement dans la recherche locale. Néanmoins, des cas médiatisés — comme celui du fabricant canadien Bombardier ou encore celui de certains sous-traitants américains dans les semi-conducteurs — ont alimenté un climat de méfiance. L’un des épisodes les plus emblématiques reste celui d’un avion Airbus vendu au début des années 2000, dont la disparition inexpliquée a longtemps intrigué les milieux industriels. Ce climat de doute a façonné la perception occidentale des ambitions chinoises dans l’aviation civile.
Des partenariats industriels structurants
À partir du début des années 2000, la Chine renforce sa coopération avec plusieurs grands groupes aéronautiques internationaux. Airbus installe alors une ligne d’assemblage de l’A320 sur le territoire chinois, une décision motivée par des considérations économiques et commerciales. Des cadres européens évoquent rétrospectivement un contexte où l’expansion sur le marché chinois constituait une priorité stratégique, et où les échanges technologiques faisaient partie intégrante de cette collaboration.
Dans le cadre de cette coopération, deux appareils A320 sont livrés à une compagnie chinoise. L’un d’eux ne sera jamais répertorié pour des vols commerciaux, un fait signalé par d’anciens responsables sans qu’aucune explication officielle ne soit apportée à ce jour. Ce type d’anecdote alimente des hypothèses variées sur les processus d’apprentissage industriel adoptés localement, mais aucun élément formel n’a été avancé publiquement.
Le C919, symbole de la montée en puissance
Le développement du C919 par le constructeur chinois Comac marque une étape importante. Fruit de plusieurs années de travail, il s’agit du premier avion de ligne conçu localement, pensé pour répondre aux besoins du transport intérieur et à terme, concurrencer l’A320 d’Airbus ou le Boeing 737. Son vol inaugural en mai 2023 témoigne de la volonté de la Chine d’étendre ses capacités technologiques dans un secteur historiquement dominé par des acteurs occidentaux.
Le design et les caractéristiques techniques du C919 présentent des similitudes avec des modèles déjà établis, un phénomène courant dans l’industrie aéronautique où les standards de performance et d’efficacité tendent à converger. Comac affirme s’appuyer sur des chaînes de production de plus en plus intégrées, avec l’objectif d’atteindre une plus grande autonomie dans la fabrication des composants critiques.
Un nouvel acteur dans un marché en mutation
L’arrivée du C919 intervient à un moment où le marché mondial connaît des évolutions structurelles. Les compagnies aériennes cherchent à diversifier leurs sources d’approvisionnement, tandis que plusieurs États encouragent l’émergence de nouveaux producteurs. La Chine ambitionne de proposer une alternative crédible, notamment à destination des marchés régionaux et des pays en développement.
Si la certification internationale du C919 reste une étape importante à franchir pour une diffusion globale, sa mise en service en Chine illustre déjà un tournant pour l’industrie locale. Pékin vise à renforcer ses capacités industrielles dans les domaines stratégiques, dont l’aviation fait pleinement partie. Ce projet s’insère dans une dynamique plus large de montée en compétences, appuyée par des partenariats, des investissements ciblés et une volonté affirmée d’atteindre une reconnaissance technologique sur la scène internationale.
Tensions commerciales et recentrage industriel
En avril 2025, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont eu des répercussions significatives sur le secteur aéronautique. En réponse à l’imposition par les États-Unis de droits de douane de 145 % sur les produits chinois, la Chine a ordonné à ses compagnies aériennes de suspendre les livraisons d’avions Boeing et d’arrêter les achats de pièces détachées auprès d’entreprises américaines. En réponse, Pékin a imposé des surtaxes douanières de 125 % sur les marchandises américaines, rendant les avions et pièces détachées fabriqués aux États-Unis considérablement plus coûteux pour les compagnies chinoises. Cette situation a entraîné le retour aux États-Unis d’un Boeing 737 MAX destiné à Xiamen Airlines, illustrant les perturbations causées par ces mesures dans les chaînes d’approvisionnement aéronautiques.
Ce contexte de tensions commerciales et de restrictions sur les importations d’avions étrangers pourrait inciter la Chine à accélérer le développement de ses capacités nationales de production d’avions. En renforçant son industrie aéronautique domestique, la Chine cherche à réduire sa dépendance aux fournisseurs étrangers et à promouvoir des alternatives locales, telles que le C919 de Comac. Cette stratégie s’inscrit dans une volonté plus large de Pékin de renforcer sa souveraineté industrielle et de devenir un acteur majeur sur la scène aéronautique mondiale.
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