L’Afrique regorge de ressources naturelles précieuses, mais en tire rarement pleinement parti. Le continent est un géant minier, abritant une part considérable des réserves mondiales d’uranium, de manganèse, de cobalt ou encore de diamants. Pourtant, malgré cette richesse du sous-sol, les économies locales restent souvent fragiles, peu industrialisées et dépendantes des exportations brutes. Les matières premières quittent le continent sans transformation, privant les pays d’une part essentielle de la valeur ajoutée. Cette réalité freine durablement l’émergence économique et expose les populations aux fluctuations imprévisibles des marchés mondiaux.
La Namibie veut changer d’échelle
Dans ce contexte, la Namibie affiche une ambition nouvelle. Troisième producteur mondial d’uranium, le pays veut désormais franchir une étape déterminante en engageant des discussions sur la construction de sa première centrale nucléaire. La présidente Netumbo Nandi-Ndaitwah a affirmé devant le parlement son intention d’accélérer ce projet, en misant sur l’exploitation directe de l’uranium namibien pour répondre aux défis énergétiques internes et soutenir la croissance économique.
Actuellement, le secteur minier contribue à 12 % du produit intérieur brut et génère plus de 50 % des recettes en devises. Cependant, ce poids économique pourrait encore croître grâce au développement de l’exploitation de minerais stratégiques comme le cobalt, le lithium, ou le manganèse. Mme Nandi-Ndaitwah souligne que ces ressources, encore sous-exploitées, représentent une opportunité majeure pour créer de la richesse durable à l’échelle nationale. La question énergétique reste centrale.
La Namibie dépend en grande partie des importations d’électricité sud-africaine pour ses besoins domestiques. Si les énergies renouvelables, en particulier solaire et éolienne, sont en plein essor, elles ne suffisent pas à garantir une autonomie totale. Le nucléaire apparaît ainsi comme un moyen de diversifier le mix énergétique, de stimuler l’industrialisation et de lutter contre un taux de chômage qui touche près de 37 % de la population active.
Une dynamique continentale de transformation
La volonté de transformer localement les ressources n’est pas propre à la Namibie. Plusieurs pays africains ont amorcé des politiques similaires ces dernières années, dans une tentative de capturer davantage de valeur ajoutée. L’Afrique du Sud a renforcé ses capacités de raffinage d’or, tandis que le Ghana a investi dans des usines de transformation du cacao et d’autres produits agricoles. Du côté du Nigeria, de nouveaux projets de raffineries visent à réduire la dépendance aux importations de carburants, à l’image de la méga-raffinerie de Dangote récemment inaugurée.
Ces initiatives traduisent une prise de conscience progressive : l’exploitation brute des matières premières n’est plus suffisante pour assurer un développement économique pérenne. La transformation locale des ressources, qu’elles soient minières, agricoles ou pétrolières, devient un axe stratégique pour augmenter les recettes publiques, créer des emplois et réduire la vulnérabilité extérieure.
Construire une souveraineté énergétique
Pour la Namibie, l’uranium représente une opportunité unique de renforcer son autonomie énergétique. Selon l’Association nucléaire mondiale, les mines du pays pourraient satisfaire 10 % de la demande mondiale en uranium, un atout majeur pour un pays de seulement trois millions d’habitants. Mais la présidente a également rappelé que le succès d’une telle ambition repose sur une gestion rigoureuse et une planification de long terme, à l’image du secteur gazier et pétrolier dont elle entend désormais superviser personnellement le développement.
La création d’une industrie nucléaire locale serait ainsi bien plus qu’un projet énergétique : elle marquerait un tournant dans l’histoire économique du pays, en passant du statut d’exportateur de ressources brutes à celui de producteur d’énergie stratégique. Un chemin complexe, mais qui, s’il est maîtrisé, pourrait inspirer d’autres nations africaines désireuses de transformer leurs richesses en leviers durables de prospérité.
Laisser un commentaire