À l’échelle mondiale, les transferts d’argent des diasporas constituent un levier financier crucial pour de nombreux pays en développement. Pourtant, une part significative de ces flux échappe encore aux circuits réglementés, réduisant considérablement leur impact économique. En Algérie, une récente étude révèle l’ampleur du phénomène : des milliards de dollars envoyés par les ressortissants à l’étranger ne transitent pas par les canaux officiels. Ce constat soulève des interrogations sur les causes profondes de ce désengagement et sur les mesures susceptibles d’inverser la tendance.
Selon une étude du professeur Benzeghioua Mohamed, rendue publique en juin 2024, les transferts formels de la diaspora algérienne ont atteint 1,829 milliard de dollars en 2022, un chiffre largement inférieur à son potentiel. L’analyse met en lumière une perte annuelle estimée à plus de 8 milliards de dollars, soit près de 5 % du produit intérieur brut du pays. Ce manque à gagner représente une manne financière capable, à elle seule, de financer les budgets conjoints de l’éducation, de la santé, du travail et de l’enseignement supérieur.
Malgré la présence de quelque six millions d’Algériens vivant à l’étranger — dont environ cinq millions établis en France — les montants rapatriés par voie officielle demeurent nettement en deçà des attentes. En France, par exemple, les transferts effectués par la communauté algérienne s’élevaient à 1,447 milliard de dollars en 2022, contre 3,416 milliards pour leurs homologues marocains. L’écart est encore plus marqué en Espagne, où l’Algérie ne comptabilise que 52 millions de dollars, contre 2,495 milliards pour le Maroc. En Italie, la tendance est similaire : 19 millions contre 1,492 milliard.
Cette sous-performance s’explique par une série de facteurs identifiés dans l’étude. En premier lieu, le recours massif aux circuits informels. L’écart persistant entre le taux de change officiel et celui du marché parallèle encourage nombre d’expatriés à privilégier des canaux non régulés, jugés plus avantageux. Par ailleurs, l’infrastructure bancaire nationale, peu développée à l’international, ne facilite pas les opérations de transfert. L’absence de représentations des banques algériennes dans les pays d’accueil constitue un frein majeur.
Le manque de confiance des expatriés dans les institutions algériennes apparaît également comme un point sensible. L’étude souligne le déficit de transparence dans la gestion et l’affectation des fonds transférés, un élément dissuasif pour une partie de la diaspora. Pour bon nombre d’entre eux, les efforts d’épargne ne se justifient que si leur contribution s’inscrit dans une dynamique claire de développement économique.
Face à cette situation, la comparaison avec les pays voisins souligne l’urgence d’une réforme en profondeur. Des initiatives visant à renforcer les incitations fiscales, à moderniser le réseau bancaire à l’étranger et à instaurer un cadre transparent pour l’utilisation des transferts pourraient améliorer significativement la captation de ces ressources. La diaspora algérienne constitue une force économique considérable, encore sous-exploitée, dont le plein potentiel reste à révéler.
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