Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche s’accompagne d’une offensive commerciale mondiale qui n’épargne pas le continent africain. Après avoir martelé durant sa campagne présidentielle sa volonté d’imposer des barrières douanières massives, le président américain concrétise désormais cette promesse avec l’annonce de nouvelles taxes commerciales touchant 180 pays à travers le monde. À partir du 5 avril, un tarif minimum de 10% s’appliquera à toutes les importations, avant l’entrée en vigueur quatre jours plus tard de tarifs dits « réciproques » bien plus élevés pour certaines nations.
La carte douanière africaine redessinée par Washington révèle une hiérarchie des pénalités économiques qui frappe inégalement le continent. Le Lesotho se trouve en première ligne avec une taxation atteignant 50%, principalement due à sa forte dépendance aux exportations textiles vers le marché américain. Madagascar suit de près avec un taux de 47%, menaçant particulièrement son secteur de la vanille qui représente l’essentiel de ses ventes aux États-Unis, et son industrie textile dont des dizaines de milliers d’emplois pourraient disparaître. L‘île Maurice (40%), le Botswana (37%) et les pays exportateurs d’hydrocarbures comme l’Angola, la Libye et l’Algérie (environ 30%) subissent également de plein fouet cette politique protectionniste. À l’inverse, certains produits stratégiques, notamment les métaux rares de la République démocratique du Congo (cobalt, cuivre), bénéficient d’un traitement relativement clément avec une taxation limitée à 11%.
Cette décision unilatérale américaine soulève de graves inquiétudes concernant l’avenir des relations commerciales entre les États-Unis et l’Afrique. Le programme AGOA (African Growth and Opportunities Act), qui permettait jusqu’alors aux pays d’Afrique subsaharienne éligibles d’exporter sans droits de douane vers les États-Unis, semble désormais compromis alors même que son renouvellement était prévu cette année. L’Afrique du Sud, qui exportait pour 3,6 milliards de dollars de produits non pétroliers dans ce cadre en 2023, voit sa position fortement fragilisée par une taxe de 30%. Pour la Côte d’Ivoire, dont le cacao, le caoutchouc et les produits pétroliers sont frappés à 21%, cette mesure représente un coup dur qui pourrait redéfinir durablement ses échanges avec Washington.
Pour affronter ce nouveau paradigme commercial, les économies africaines devront accélérer leur mutation structurelle et repenser leurs stratégies d’exportation. La diversification des partenaires commerciaux, la montée en puissance des échanges intra-africains dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine et la transformation locale des matières premières s’imposent comme des impératifs à court terme. Les pays les plus touchés comme Madagascar ou le Lesotho pourraient être contraints de réorienter rapidement leur production vers des marchés moins hostiles, tandis que les grands producteurs de matières premières comme la RDC devront accentuer leurs efforts pour développer des industries de transformation génératrices de valeur ajoutée. Ce choc commercial pourrait paradoxalement accélérer l’intégration économique africaine, rendant le continent moins dépendant des fluctuations de la politique américaine.
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