À la croisée des bouleversements politiques et économiques qui redéfinissent la région du Sahel, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont posé les jalons d’une alliance inédite : l’Alliance des États du Sahel (AES). Initiée le 16 septembre 2023, cette coalition est née dans un contexte de tensions croissantes avec la CEDEAO, à la suite des coups d’État survenus dans les trois pays entre 2020 et 2023. D’abord pensée comme un pacte de défense mutuelle et une réponse aux défis sécuritaires, l’AES s’est rapidement muée en projet politique et économique ambitieux. Aujourd’hui, cette dynamique prend un tournant décisif avec le lancement de la Banque confédérale pour l’investissement et le développement (BCID AES), bras financier d’une stratégie résolue pour transformer la richesse minérale du sous-sol sahélien en levier de croissance tangible.
Une banque régionale comme levier stratégique
La dernière annonce phare de l’AES illustre parfaitement cette volonté d’autonomie et de transformation structurelle. La création de la Banque confédérale pour l’investissement et le développement (BCID AES) marque une étape décisive. Conçue comme un moteur pour financer des projets structurants dans des domaines clés — infrastructures, agriculture, transport, énergie — cette institution financière ambitionne de briser le cycle de dépendance à l’égard des bailleurs extérieurs. Le ministre malien de l’Économie et des Finances, Alousseni Sanou, a présenté la BCID comme un instrument de réponse directe aux enjeux de développement, insistant sur la nécessité d’une gestion rigoureuse et d’une coordination sans faille entre les États membres. Cette orientation se veut résolument tournée vers des résultats mesurables et un impact concret sur les économies locales.
La BCID n’est pas simplement un outil financier, c’est un pari sur l’avenir. Elle vise à irriguer des secteurs restés longtemps en marge des investissements structurés. Dans une région où les déficits d’infrastructures freinent les échanges et où l’agriculture reste vulnérable aux chocs climatiques, disposer d’un levier financier propre est une avancée majeure. En centralisant les ressources et en ciblant des projets à fort rendement social, les dirigeants de l’AES cherchent à construire des bases solides pour une croissance endogène.
Une réforme minière au cœur du projet
Mais créer une banque ne suffit pas sans des ressources durables pour l’alimenter. C’est là qu’intervient une autre décision structurante : la réforme en profondeur des codes miniers. Conscients que la richesse de leur sous-sol ne bénéficie pas encore suffisamment aux populations, les États de l’AES ont révisé leur législation pour exiger une plus grande contribution des entreprises extractives. L’objectif est explicite : permettre aux États de percevoir jusqu’à 50 % des revenus issus de l’exploitation des ressources naturelles, en instaurant des taxes plus élevées et des redevances calculées sur le chiffre d’affaires.
Dans un contexte mondial où la demande en matières premières explose, les trois pays veulent désormais passer du rôle de simples pourvoyeurs de ressources à celui d’acteurs économiques influents, capables de peser sur les chaînes de valeur. Cette approche rappelle celle d’un propriétaire qui, après avoir longtemps laissé ses terres à l’exploitation sans contrôle, décide de reprendre les rênes et d’en tirer une véritable rente pour son développement.
Coopération, transparence et ambition commune
Le succès de ces réformes repose cependant sur un équilibre délicat. Les dirigeants de l’AES ont compris qu’il ne suffit pas d’énoncer des ambitions ; encore faut-il bâtir des mécanismes de mise en œuvre efficaces et transparents. Gouvernance rigoureuse, coordination étroite entre les trois États et suivi clair des décisions seront les piliers du projet. Loin des slogans, les pays membres s’engagent sur des actions concrètes, conscientes que la réussite de l’AES pourrait inspirer d’autres modèles de coopération régionale sur le continent.
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