AES - CEDEAO : le Mali remet les pendules à l’heure

Pendant des décennies, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a représenté le cadre de coopération régionale par excellence, réunissant ses membres autour d’objectifs communs de sécurité, d’intégration économique et de libre circulation. Pourtant, en 2023, ce fragile édifice a été ébranlé. Face à des sanctions jugées unilatérales et injustes, les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont claqué la porte. Ils dénonçaient une organisation perçue comme inféodée à des intérêts extérieurs et trop peu solidaire des défis sécuritaires endurés au Sahel.

Cette rupture, inédite dans l’histoire de la CEDEAO, a donné naissance à l’Alliance des États du Sahel (AES), nouveau bloc régional porté par un discours de souveraineté affirmée et de solidarité sécuritaire. Si la séparation avait été brutale, elle n’a pourtant pas coupé le besoin de dialogue. Car au-delà des divergences politiques, les réalités économiques imposent une reconfiguration des rapports.

De partenaires à entités distinctes

En intervenant ce 7 juin sur la chaîne togolaise New World TV, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a tenu à clarifier la posture du Mali vis-à-vis de la CEDEAO. Selon lui, le temps n’est plus aux illusions : un retour pur et simple au sein de l’organisation n’est pas prévu. L’idée même d’un revirement est désormais écartée. Le Mali, comme ses alliés sahéliens, se considère aujourd’hui comme une entité autonome. La relation avec la CEDEAO n’est plus celle d’un ancien membre avec sa maison mère, mais celle d’un regroupement d’États souverains discutant d’égal à égal avec un autre bloc. C’est une nouvelle géométrie politique qui se dessine, avec deux pôles face à face, contraints de coopérer tout en reconnaissant leurs dissensions.

Cette vision est nourrie par un réalisme assumé. Le ministre évoque une phase « d’apaisement et de réalisme », signalant que les tensions, sans être effacées, laissent place à des calculs pratiques. La frontière n’est plus fermée à la discussion, mais la discussion elle-même doit reposer sur des bases nouvelles. Le langage a changé : on ne parle plus d’intégration mais de négociation. Un accord est souhaité, mais pas sur les principes fondateurs de la CEDEAO. Il s’agira plutôt de mettre en place des mécanismes précis autour de la libre circulation des personnes et des biens — autrement dit, d’éviter l’asphyxie économique de part et d’autre des frontières.

Des intérêts économiques qui forcent la lucidité

Car derrière la façade politique se cachent des urgences concrètes. Pour les États de l’AES comme pour ceux de la CEDEAO, les interdépendances économiques sont nombreuses et complexes. Les échanges commerciaux, les couloirs de transit, les chaînes d’approvisionnement et même les flux humains rendent impossible toute rupture totale sans conséquences sévères. Donc, parler d’un « deal urgent sur les conditions commerciales » revient à reconnaître la nécessité d’un filet de sécurité économique. Loin des discours enflammés sur la souveraineté, il faut éviter que les marchés sahéliens soient isolés ou que les ports du Golfe de Guinée se ferment aux marchandises du Nord.

L’exemple du Mali est particulièrement parlant. Pays enclavé, dépendant des routes sénégalaises, ivoiriennes et guinéennes pour ses importations stratégiques, il n’a pas le luxe de rester coupé des grands axes commerciaux. En parallèle, ses voisins du Sud ont eux aussi besoin de maintenir l’accès à certains marchés et à la main-d’œuvre circulante venue du Sahel. De part et d’autre, les économies sont prises dans un tissu serré d’obligations mutuelles. Cela oblige les responsables politiques à réintroduire le pragmatisme dans leurs agendas.

Un tournant stratégique pour l’équilibre régional

Ce réajustement dans les relations entre la CEDEAO et l’AES marque un tournant dans la diplomatie ouest-africaine. On assiste à une forme de reconnaissance implicite de l’AES comme acteur régional à part entière, non plus comme simple dissidence. L’organisation née d’un retrait protestataire évolue aujourd’hui vers un statut d’interlocuteur stratégique, au même titre que les douze pays restant dans la CEDEAO. Cette reconnaissance, même tacite, rebat les cartes des dynamiques régionales.

Ce réalignement n’est pas seulement diplomatique. Il reflète une mutation profonde des équilibres de pouvoir, dans une région en quête de nouveaux repères. L’échec du modèle d’intégration tel qu’il a été porté par la CEDEAO durant plusieurs décennies ouvre la voie à des formats de coopération plus souples, plus bilatéraux ou thématiques. Les entités se recomposent en fonction des urgences, qu’elles soient sécuritaires, économiques ou humanitaires.

La déclaration d’Abdoulaye Diop ne sonne donc pas comme une fermeture, mais comme un redéploiement. Le Mali ne tourne pas le dos au dialogue, il en redéfinit les conditions. L’heure n’est plus à la nostalgie institutionnelle, mais à une gestion pragmatique des désaccords. En remettant les pendules à l’heure, Bamako rappelle à la CEDEAO que les règles du jeu ont changé, et que toute coopération future devra se construire sur la base d’une égalité revendiquée.

8 réflexions au sujet de “AES - CEDEAO : le Mali remet les pendules à l’heure”

  1. La CEDEAO doit laisser les pays du Sahel faire leur chemin. L’ambition politique que souhaite la communauté dépasse le niveau de compréhension des élites dans ces pays.
    Même les pays côtiers ont du mal à suivre, qu’en sera t il des pays ruraux, qui ne peuvent rien comprendre dans la démocratie?
    Le rêve de la CEDEAO doit se poursuivre, même s’il va rester deux pays à y croire.

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  2. Chers frères beninois, vous entendez les relais des terroristes exhorter Talon à collaborer avec les terros sur France 24? je n’ai pas entendu de réactions officielles

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  3. Aboudoul Diallo, le petit peulh cousin de Aziz, cesse de nous blaguer…tu as eu poste de ministre …et tu t’agites après avoir mis ta famille dans les pays que tu combats….
    Ce que tu manges les midis et soirs , …ça vient d’où….espèce de disciple d’ Aziz le sultan 😎😍 🙄

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      • Ah grand merci, mon cher 💚 Aziz, c’est très gentil de ta part! Je te rappelle que cette petite liste est bien celle des futurs…… bokonons 😘 💚 😎que tu formeras bientôt non?…

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        • C est ceux qui seront aux camps de concentration…..
          N oublies pas de préparer des couvertures chaudes…. puisque..il fait pas trop chaud là bas…
          Est ce qu’il aura des survivants..???…j en sais rien… tout dépend de l endurance 👿🦹💀

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          • Moi j’aime le gbangban, voilà pourquoi je n’ai pas de couvertures du groenland ou autres…Je serai le 1er à survivre et je prendrai le contrôle de ce camp qui deviendra camp de déconcentration…..💚😎😍 🙄

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