Or au Mali : Assimi Goïta lance la construction de la première raffinerie du pays

Depuis les fastes de l’empire du Mali au XIIIe siècle, l’or occupe une place centrale dans l’histoire et l’imaginaire de ce pays sahélien. À l’époque de Kankou Moussa, considéré comme l’un des souverains les plus riches de tous les temps, les caravanes maliennes faisaient scintiller l’or dans tout le monde arabo-musulman jusqu’aux rives de la Méditerranée. Aujourd’hui encore, le Mali est l’un des plus grands producteurs d’or du continent africain. Mais cette richesse brute est majoritairement exportée sans transformation locale, privant le pays de bénéfices industriels et technologiques.

Une ère nouvelle pourrait toutefois s’ouvrir : le président Assimi Goïta vient de lancer la construction de la toute première raffinerie nationale d’or, une infrastructure inédite qui pourrait marquer un tournant dans la gestion stratégique de ce métal précieux.

Une raffinerie pour transformer l’or sur le sol malien

La cérémonie de pose de la première pierre, organisée le 16 juin, a été présentée comme un moment symbolique et décisif pour l’avenir du secteur aurifère malien. L’usine, conçue pour affiner jusqu’à 200 tonnes d’or par an, vise à absorber l’intégralité de la production nationale et à accueillir également les extractions d’or provenant d’autres pays voisins. Cette ambition traduit un changement de cap majeur : passer d’un pays exportateur de minerai brut à un centre régional de traitement aurifère.

Ce projet industriel est porté par une alliance entre l’État malien, qui détiendra 62 % de la structure, et la société russe Yadran, détentrice des 38 % restants. Cette décision est issue d’un conseil des ministres quelques jours avant le lancement. La société contribuera au projet par son savoir-faire technologique, tout en assurant la formation des ressources humaines locales et le suivi technique de l’installation. En revanche, les contours financiers du partenariat restent flous : aucune précision n’a été donnée sur le montant total de l’investissement ni sur la répartition effective des coûts de construction entre les deux parties selon la télévision nationale.

Une initiative lourde d’enjeux politiques et économiques

Au-delà des chiffres, ce projet porte en lui plusieurs messages politiques. Il affirme la volonté de souveraineté économique du Mali dans un secteur où le pays n’a longtemps eu qu’un rôle passif. En obligeant désormais que tout l’or extrait soit affiné sur place, Bamako cherche à reprendre la main sur une ressource qui, bien que stratégique, échappait en grande partie à son contrôle direct. Cette décision pourrait aussi renforcer la traçabilité des flux aurifères, améliorer les recettes fiscales et créer de nouveaux emplois qualifiés dans les domaines techniques et industriels.

Mais le silence des autorités sur certains aspects clés du projet intrigue. Ni le coût global de la raffinerie ni les délais de mise en service n’ont été révélés. La télévision nationale a justifié ce mutisme par des considérations « géopolitiques et géostratégiques ». Alors que plusieurs partenaires occidentaux se sont progressivement retirés et que les liens avec la Russie se sont renforcés, la nature même du partenariat avec Yadran suscite des questions sur les éventuelles contreparties associées à cette coopération.

Vers une valorisation complète de la chaîne aurifère ?

La construction de cette raffinerie ne constitue pas simplement une opération technique : elle est aussi une tentative de redéfinir la manière dont le Mali tire profit de ses ressources. Actuellement, l’or représente près de 80 % des recettes d’exportation du pays, mais la majorité des étapes de transformation et de commercialisation échappe encore aux acteurs maliens. En créant un outil national d’affinage, le pays espère mieux capter la valeur ajoutée de ce métal, tout en se positionnant comme un pôle industriel pour l’Afrique de l’Ouest.

Si les promesses sont nombreuses, leur réalisation dépendra de la transparence dans l’exécution, de la maîtrise technologique et de la stabilité politique à long terme. Car construire une raffinerie ne suffit pas : il faudra aussi structurer un écosystème de compétences, d’infrastructures et de gouvernance à la hauteur de l’enjeu.

Avec ce projet, le Mali ne cherche pas simplement à extraire l’or de son sous-sol, mais à en forger un avenir. Reste à savoir si cette pierre inaugurale posée à Bamako deviendra la fondation solide d’une industrie aurifère nationale, ou une promesse éphémère de plus dans l’histoire scintillante mais tourmentée de l’or malien.

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