Le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar a accueilli ce mardi une audience singulière, opposant l’État à Moustapha Diakhaté, ancien ministre et figure politique connue pour sa verve critique. Poursuivi en flagrant délit pour offense au chef de l’État, au président de l’Assemblée nationale et au Premier ministre, l’accusé n’a pas fait dans la langue de bois. Devant la barre, il a assumé chaque mot de ses déclarations polémiques, notamment l’emploi du terme « gougnafiers » à l’encontre des trois hauts responsables qu’il accuse de banaliser l’image institutionnelle de la République.
À travers cette posture, Moustapha Diakhaté semble vouloir déplacer le procès sur le terrain de la liberté d’expression. Pour lui, la scène où les trois hommes politiques marchaient côte à côte aurait manqué de retenue protocolaire, relevant d’un déséquilibre institutionnel qu’il se dit en droit de dénoncer. Ce choix de mots — volontairement mordants — n’a pas été renié. Bien au contraire, l’ex-ministre a martelé que le droit à la critique ne devait connaître aucune restriction dès lors qu’il s’exerce dans un cadre démocratique.
L’ombre d’un procès symbolique
Au-delà des considérations juridiques, l’affaire prend les allures d’un procès politique, révélateur des tensions persistantes entre liberté d’opinion et respect de la fonction présidentielle. Le prévenu, fidèle à sa ligne, a transformé le box des accusés en tribune pour réaffirmer son attachement aux principes républicains. Il a juré, si besoin, de purger toute peine sans se dédire. Ce positionnement sans compromis renvoie à une époque où l’opposition politique n’hésitait pas à recourir à des formules frontales pour faire entendre sa voix.
Le verdict est attendu pour le 2 juillet, dans un climat où les symboles comptent autant que les peines. L’affaire suscite déjà une polarisation entre partisans d’un respect strict des institutions et défenseurs intransigeants de la parole libre. La décision du tribunal sera sans doute scrutée au-delà du simple cadre judiciaire, tant elle semble cristalliser deux visions opposées de la citoyenneté dans le débat public.
Un précédent dans un contexte chargé
Ce procès n’est pas un simple incident isolé. Il survient dans un contexte où plusieurs figures de la société civile et de l’opposition ont vu leurs propos publiquement contestés, parfois devant les juridictions. En arrière-plan, une interrogation persiste : où placer la limite entre le respect des institutions et le droit de les interpeller ? En choisissant de tenir tête aux autorités jusque dans l’enceinte du tribunal, Moustapha Diakhaté ouvre une séquence inédite où la parole politique se confronte directement à la sanction pénale.
Reste à savoir si le juge retiendra la gravité du propos ou l’intention revendiquée d’exercer une critique citoyenne. Le 2 juillet, le sort judiciaire de l’ancien ministre pourrait dessiner les contours de ce qu’il est désormais permis ou risqué de dire dans le champ public sénégalais.



