Sénégal : Le 23 juin, un souvenir en quête de renouveau

Le 23 juin 2011, le Sénégal a vécu l’un des tournants les plus marquants de sa vie démocratique. Ce jour-là, des milliers de citoyens, rassemblés devant l’Assemblée nationale, ont opposé un refus massif à un projet de réforme constitutionnelle perçu comme une manœuvre pour faciliter un troisième mandat du président d’alors, Abdoulaye Wade. Cette mobilisation spontanée a donné naissance au Mouvement du 23 juin, ou M23, une coalition hétérogène de partis politiques, syndicats, artistes, jeunes activistes et membres de la société civile. Ensemble, ils ont incarné une résistance déterminée au glissement autoritaire du pouvoir exécutif.

Ce mouvement n’a pas seulement repoussé une révision constitutionnelle controversée. Il a aussi bouleversé le paysage politique, en imposant une nouvelle norme d’engagement populaire et en remettant au centre du débat national la défense des principes démocratiques. Pourtant, depuis cette effervescence, le M23 s’est effrité, victime de départs, de divergences stratégiques, et parfois de récupération institutionnelle.

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Commémoration et introspection à la Résidence Karibu

Pour les quatorze ans du mouvement, une semaine de commémoration se tiendra du 23 au 27 juin 2025 à la Résidence Karibu, au cœur de Golf Sud. L’initiative, articulée autour de panels, débats et projections, invite à revisiter l’élan du 23 juin et à mesurer le chemin parcouru par le pays sur la voie de la démocratie participative. Il ne s’agira pas seulement de rendre hommage, mais aussi de poser les bonnes questions : comment maintenir vivante la mémoire d’un tel mouvement ? Quelle place lui donner dans l’éducation civique des jeunes générations ? Et surtout, quelles leçons tirer de ses échecs et de ses silences ?

Parmi les intervenants attendus, des figures historiques du mouvement, mais aussi de nouveaux acteurs engagés dans la promotion des droits civiques, offriront un regard croisé sur l’héritage du M23. L’objectif est de faire dialoguer l’histoire et le présent, et de penser une réconciliation démocratique, à l’heure où les fractures sociales, les crispations institutionnelles et les enjeux de gouvernance restent d’une actualité brûlante.

Un symbole à l’épreuve du temps

Si le M23 ne mobilise plus les foules comme en 2011, il continue de peser dans l’imaginaire collectif comme un jalon de la résistance démocratique. Sa trajectoire illustre toutefois les difficultés d’un mouvement à se réinventer une fois la bataille immédiate remportée. Les critiques se sont multipliées sur son manque d’organisation post-mobilisation, les stratégies contradictoires de ses figures de proue et son absence de réponse structurée aux nouveaux défis démocratiques.

Pourtant, malgré son affaiblissement, le M23 reste invoqué dès que des velléités de régression institutionnelle se profilent. Il constitue une forme de boussole morale, un rappel que le peuple sénégalais a su, par le passé, faire barrage aux abus. La commémoration de 2025 arrive ainsi à un moment propice, où la mémoire peut être le point de départ d’une relance du débat sur les mécanismes de contrôle citoyen, la transparence publique et la régulation des ambitions politiques.

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Dans un contexte où les enjeux fonciers, économiques et institutionnels sont plus complexes que jamais, le M23 offre un exemple imparfait mais précieux d’un sursaut collectif. Reste à savoir si cet anniversaire redonnera au mouvement une nouvelle vigueur, ou s’il actera définitivement son entrée dans les livres d’histoire.

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