Sénégal : Le projet de dépollution de Hann confronté à des manifestations

Autrefois surnommée « Trash Bay » en raison de ses eaux souillées par des années de rejets industriels et domestiques, la baie de Hann connaît aujourd’hui une métamorphose radicale. Sous la houlette de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS), un vaste programme de dépollution est en cours. Doté d’un financement estimé entre 124 et 140 millions d’euros, le projet bénéficie du soutien de plusieurs partenaires internationaux, dont l’Agence française de développement (AFD), l’Union européenne et la Banque chinoise de développement. Ce chantier titanesque prévoit notamment la construction d’une station de traitement à Mbao et l’acheminement de 25 000 m³ d’eaux usées par jour via un réseau de canalisations de 15 kilomètres.

Ce programme ne se limite pas à des infrastructures. Il impose aussi aux industries locales un changement de paradigme : traitement préalable obligatoire des eaux, fiscalité environnementale, et principe du pollueur-payeur. En toile de fond, l’objectif est clair : restaurer la biodiversité marine, assainir le cadre de vie des riverains, et relancer les activités de pêche et de tourisme sur cette portion stratégique du littoral dakarois.

Frictions à Thiaroye : quand la contestation rejoint la route

Mais si le projet jouit d’un fort soutien technique et financier, son acceptation sociale demeure fragile. Cette semaine, les habitants de Thiaroye Sur Mer sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère. Pneus incendiés, routes bloquées, mobilisation de masse : les protestataires dénoncent un chantier mené sans concertation suffisante, alors même que leur commune reste à ce jour enclavée, peu urbanisée et mal équipée. Ils pointent un paradoxe : comment justifier des investissements massifs en infrastructures hydrauliques sans un plan global de restructuration urbaine de leur quartier ?

Ce n’est pas la première fois que les populations locales freinent l’avancée du projet. Déjà, plusieurs épisodes de blocages des travaux avaient été enregistrés, dans un climat mêlant méfiance, frustration et revendications sociales. À leurs yeux, la dépollution ne peut être un objectif isolé. Elle doit s’accompagner d’améliorations tangibles en termes de logements, de routes, d’accès à l’eau potable et d’assainissement domestique.

Une transformation attendue, mais sous pression

Le paradoxe de la baie de Hann réside aujourd’hui dans ce face-à-face entre nécessité écologique et urgence sociale. Alors que les travaux sont techniquement avancés — 87 % d’exécution pour la station de Mbao — les tensions communautaires pourraient freiner l’élan du projet. Le défi pour l’État est désormais double : assurer la continuité du chantier tout en intégrant les doléances des populations riveraines.

À terme, la baie pourrait bien redevenir un espace maritime fréquentable et attractif, à condition que les bénéficiaires directs de cette transformation soient réellement impliqués dans sa mise en œuvre. L’histoire de Hann ne sera pas seulement celle d’une renaissance environnementale. Elle dépendra aussi de la capacité des autorités à faire de ce projet une opportunité partagée, et non un chantier imposé.

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