Le 4 juin, Washington a dévoilé une nouvelle version de son « travel ban », interdisant temporairement l’entrée sur le territoire américain à des ressortissants de douze pays, dont sept en Afrique. Parmi eux figurent notamment le Tchad, la Guinée équatoriale, la Libye, l’Érythrée, la Somalie, le Soudan et le Congo-Brazzaville. Cette mesure, officiellement motivée par des préoccupations sécuritaires et des irrégularités en matière migratoire, fait suite à une attaque menée par un ressortissant égyptien dans le Colorado, bien que l’Égypte ne soit pas concernée par l’interdiction. Plusieurs pays africains sont accusés de ne pas coopérer suffisamment dans la gestion des flux migratoires ou de présenter un risque pour la sécurité intérieure américaine, selon les autorités de Washington. L’administration Trump justifie par exemple l’exclusion du Tchad par un taux jugé trop élevé de dépassements de séjour, notamment pour les visas étudiants, touristiques ou de formation professionnelle. La Somalie, quant à elle, est décrite comme un « refuge pour les terroristes ».
Une réaction immédiate de N’Djamena
Le président tchadien Mahamat Idriss Déby n’a pas tardé à réagir, dénonçant une atteinte à la souveraineté de son pays. Sur ses réseaux officiels, il a annoncé une mesure de réciprocité : la suspension de l’octroi de visas aux citoyens américains. Dans une déclaration au ton ferme, le chef de l’État tchadien a insisté sur la nécessité de préserver la dignité nationale, affirmant que même si le Tchad ne dispose ni d’avions de guerre ni de ressources économiques comparables à celles de Washington, il conserve une fierté à défendre. Cette décision est une première dans la région, marquant une volonté d’affirmation diplomatique face à ce que certains estiment être une mesure discriminatoire.
Cette réplique contraste avec la prudence d’autres gouvernements concernés. Du côté de Brazzaville, une source anonyme évoque plutôt un malentendu et laisse entendre qu’un dialogue diplomatique pourrait être engagé pour rétablir les liens. La Somalie, elle, relativise la portée de l’annonce américaine, soulignant l’absence de relations institutionnelles solides avec les États-Unis, que ce soit sur les plans universitaire, économique ou culturel. Le député Ali Said Faqi, ancien ambassadeur auprès de l’Union européenne, considère que la priorité reste la coopération sécuritaire avec Washington, et non l’accès aux visas.
Une mesure contestée sur la scène internationale
Les critiques ne se limitent pas aux États africains. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a exprimé sa préoccupation quant à la légalité du décret au regard du droit international. Le caractère généralisé de l’interdiction et son manque de proportionnalité soulèvent selon lui des questions sérieuses, en particulier vis-à-vis du principe de non-discrimination. La Commission de l’Union africaine, de son côté, dit suivre la situation avec attention, évoquant les effets négatifs possibles sur la coopération entre les pays concernés et les États-Unis.
Une liste évolutive, mais une crispation durable
L’administration américaine précise que cette liste n’est pas figée et que des révisions sont possibles si les pays coopèrent sur les exigences posées par Washington. Cependant, cette perspective ne semble pas convaincre les gouvernements africains qui dénoncent une décision unilatérale, fondée sur des critères flous et changeants. Pour plusieurs observateurs, cette nouvelle série de restrictions rappelle les précédents décrets de Trump lors de son premier mandat, déjà critiqués à l’époque pour leur approche jugée stigmatisante.
Le bras de fer engagé avec N’Djamena pourrait ainsi préfigurer une période de tensions diplomatiques, dans un contexte où la perception d’un traitement inéquitable à l’égard de certains pays africains est de plus en plus manifeste. L’initiative du Tchad, en choisissant une réponse frontale plutôt qu’un silence diplomatique, pourrait aussi inspirer d’autres capitales sur le continent. À défaut de faire reculer Washington, cette posture pourrait marquer une inflexion dans les relations de dépendance longtemps tolérées.
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