Il y a dix ans, les pays du bloc BRICS — Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud — ont voulu poser les bases d’une coopération plus équilibrée sur le terrain du financement international. À travers la création de la New Development Bank (NDB), ces puissances émergentes ont affirmé leur volonté de ne plus dépendre exclusivement des institutions pilotées par les pays occidentaux. Conçue pour soutenir les besoins des pays en développement, la banque est née à Fortaleza, au moment où ces États cherchaient à mieux peser dans les décisions économiques mondiales. Aujourd’hui, la NDB entre dans une phase charnière, célébrant son dixième anniversaire cette année sous la présidence de Dilma Rousseff, ancienne cheffe de l’État brésilien.
Un bilan mesuré mais symboliquement fort
Dotée d’un capital de départ de 50 milliards de dollars, la NDB a validé jusqu’ici 120 projets, répartis entre ses membres et quelques pays partenaires. La somme totale allouée approche les 40 milliards de dollars, avec une dizaine d’initiatives en Afrique. Bien que ce volume reste inférieur à celui de banques régionales plus anciennes, comme la Banque africaine de développement, l’originalité de la NDB réside ailleurs : dans sa stratégie d’autonomisation financière. Une part significative de ses prêts est effectuée dans les monnaies nationales des pays concernés, une pratique encore peu courante à cette échelle. En s’affranchissant partiellement du dollar ou de l’euro, la banque permet aux emprunteurs de limiter leur exposition aux fluctuations des grandes devises et encourage les circuits économiques internes.
Ce choix n’est pas sans complexité : il demande une solidité macroéconomique de la part des pays membres, mais marque une rupture claire avec les standards des grandes agences multilatérales. Il s’agit d’un geste de souveraineté autant que d’une expérimentation monétaire.
Un instrument d’influence à affiner
La NDB n’est pas encore un poids lourd du financement mondial, mais elle est devenue un levier d’influence pour les BRICS. Au fil des années, elle a construit un discours et des outils orientés vers les priorités du Sud global : infrastructures de base, développement urbain, transition énergétique. Ainsi, elle complète les autres outils créés ou soutenus par les BRICS, comme le fonds de réserve commun ou les accords commerciaux en monnaies locales.
Le président brésilien Lula a insisté le 4 juillet sur la fonction politique de la banque : pour lui, il s’agit moins d’un simple guichet financier que d’un projet de transformation. Il a évoqué la nécessité d’une réinvention des règles de la finance mondiale et d’un partage plus équitable des ressources et des décisions. Son discours souligne une ambition claire : faire de la NDB un acteur de poids dans la refonte de l’ordre économique, au même titre que les institutions issues de Bretton Woods l’ont été à leur époque.
Pour y parvenir, la NDB devra gagner en rapidité d’exécution, améliorer sa gouvernance, et convaincre davantage de pays partenaires au-delà des BRICS. Elle a posé les fondations. Le défi, désormais, est de bâtir durablement sur ce socle.



