De l’interdit au basique : le parcours (méconnu) de la robe à travers les siècles

Longtemps objet de distinction sociale, de censure ou d’émancipation, la robe a traversé les siècles en se transformant au gré des mœurs, des lois et des révolutions culturelles. Symbole vestimentaire a priori anodin, elle a pourtant cristallisé de nombreux débats sur la place des femmes dans la société, leur liberté corporelle et leur visibilité dans l’espace public

Une pièce entre statut et censure

À l’origine, la robe n’était pas exclusivement féminine. Dans l’Antiquité grecque et romaine, les hommes aussi bien que les femmes portaient des tuniques longues, comme la toge ou le chiton. Ce n’est qu’au Moyen Âge que la distinction vestimentaire entre les sexes s’accentue. La robe devient alors un marqueur genré, mais aussi hiérarchique : sa coupe, ses tissus, sa longueur varient selon le statut social. L’Église encadre strictement l’apparence, notamment féminine, imposant des vêtements amples et couvrants. La robe devient alors outil de contrôle, son usage et sa forme répondant à des normes morales strictes.

Au fil des siècles, certaines formes de robes sont même interdites à certaines classes. Sous l’Ancien Régime, des lois somptuaires restreignent l’accès aux tissus luxueux comme la soie ou le velours. Et au XIXe siècle, en France, les femmes doivent demander une autorisation de la police pour porter un pantalon, une règle en vigueur jusqu’en 2013. Le port de la robe devient ainsi une obligation tacite, confinant les femmes à une image traditionnelle, associée à la domesticité et à la passivité.

De revendication en démocratisation

Les années 1920 marquent un premier tournant. Sous l’impulsion de figures comme Coco Chanel, la robe se raccourcit, se simplifie, s’émancipe du corset. Elle devient un support d’expression féminine, voire féministe. Durant la Seconde Guerre mondiale, la pénurie de tissu pousse à des coupes plus sobres et fonctionnelles, ancrant un peu plus la robe dans le quotidien. Mais c’est dans les années 1960 que l’explosion des styles (mini-robe, robe trapèze, robe chemise) traduit les bouleversements sociaux en cours.

Aujourd’hui, la robe est partout : dans les bureaux, dans la rue, sur les podiums ou les réseaux sociaux. Elle est à la fois tenue de travail, de loisirs, de soirée ou d’engagement. Des marques en font un incontournable de leurs collections, comme on peut le voir avec cette sélection de robe femme. Loin d’être neutre, ce vêtement continue d’incarner les tensions entre norme et subversion, tradition et modernité.

Certaines militantes ou figures publiques en ont d’ailleurs fait un instrument de contestation. En Iran, le port imposé de la robe longue et du voile est aujourd’hui dénoncé par de nombreuses femmes. À l’inverse, en Europe ou aux États-Unis, des initiatives comme la ** »Robe de protestation »** ou le ** »Dresses Project »** montrent comment ce vêtement peut porter des revendications politiques ou écologiques. Le musée Galliera à Paris lui a même consacré plusieurs expositions, soulignant sa richesse historique et symbolique.

Laisser un commentaire