Dessalement au Maghreb : un autre secteur sauvé de justesse

Depuis longtemps, les installations de dessalement ont d’abord été conçues pour transformer l’eau de mer en eau potable, offrant ainsi un répit essentiel dans les régions où les ressources en eau douce se font rares. Aujourd’hui, au Maghreb, ces infrastructures ont pris une dimension nouvelle : elles jouent un rôle décisif pour préserver l’activité agricole, en fournissant une eau irriguant des milliers d’hectares menacés par la sécheresse.

L’irrigation, moteur économique sous haute tension

La crise hydrique prolongée qui touche le Maroc aurait pu avoir des conséquences dévastatrices sur le secteur agricole, pourtant pilier fondamental de l’économie locale et source d’emploi pour des centaines de milliers de personnes. L’eau produite par les stations de dessalement a permis de contourner ce danger en apportant une solution fiable pour l’arrosage de près de 12 000 hectares de cultures maraîchères, notamment dans la région de Souss-Massa. Selon Ayoub Ramdi, responsable à l’Office régional de mise en valeur agricole, cette intervention a évité une perte économique évaluée à plus de 860 millions d’euros et a protégé environ un million d’emplois.

Dans cette zone, 1 500 agriculteurs utilisent l’eau dessalée, indispensable à la croissance de cultures délicates comme les tomates cerises produites notamment par le groupe Azura. Néanmoins, le tarif de ce service reste un obstacle : l’eau dessalée est facturée à 0,48 euro le mètre cube, soit près de cinq fois le coût de l’eau classique, qui est d’environ 0,096 euro par mètre cube. Ce prix plus élevé freine l’adoption généralisée de cette ressource, en particulier pour les exploitations agricoles aux budgets serrés. Abir Lemseffer, directrice générale adjointe du groupe Azura, souligne que sans cette eau dessalée, leur activité ne serait plus viable.

Une ressource vitale pour les villes

Outre l’usage agricole, la production d’eau dessalée répond aussi aux besoins grandissants des zones urbaines. À Agadir et dans ses environs, environ 1,6 million de personnes bénéficient chaque jour de près de 150 000 m³ d’eau potable issue du dessalement. À cela s’ajoute une quantité importante dédiée à l’irrigation, avec un total d’environ 275 000 m³ d’eau dessalée utilisée quotidiennement. Selon Ayoub Ramdi, la station vise une augmentation de la production à 400 000 m³ par jour d’ici la fin de 2026 pour mieux satisfaire ces deux usages essentiels.

Ce partage de la ressource met en lumière la nécessité d’une gestion rigoureuse et adaptée afin de répondre aux attentes tant des populations urbaines que des agriculteurs, tout en tenant compte de la rareté croissante de l’eau.

Penser l’eau comme un bien stratégique

Le recours au dessalement dans cette région montre une stratégie pragmatique face aux limites imposées par le climat. Il s’agit non seulement d’utiliser la technologie pour transformer l’eau de mer en ressource précieuse, mais aussi d’organiser son usage afin de maximiser ses bénéfices économiques et sociaux. Malgré son importance, le coût élevé de cette eau appelle à des solutions innovantes pour la rendre accessible à un plus grand nombre d’utilisateurs, notamment dans le milieu rural.

L’exemple marocain invite à reconsidérer la gestion de l’eau dans tout le Maghreb, confronté à une demande croissante et à une diminution des ressources naturelles. Investir dans des infrastructures performantes, tout en développant des politiques adaptées, semble la meilleure voie pour éviter des crises hydriques majeures et assurer un développement durable, tant pour les villes que pour les campagnes.

Laisser un commentaire