L’hydrogène vert, produit grâce à des énergies renouvelables, apparaît aujourd’hui comme l’un des piliers possibles de la transition énergétique mondiale. À la croisée des enjeux climatiques, industriels et géopolitiques, il permettrait notamment de réduire la dépendance aux énergies fossiles dans des secteurs où l’électrification directe reste difficile. Une nouvelle étude scientifique, publiée dans International Journal of Hydrogen Energy, met en lumière le potentiel exceptionnel du Maroc pour se positionner comme futur hub de cette filière stratégique.
Des vents constants, un rendement élevé
Parmi les atouts analysés, les conditions aérologiques du littoral marocain — et plus précisément celles de la région de Dakhla — occupent une place centrale. À une hauteur de 100 mètres au-dessus du sol, la vitesse moyenne annuelle du vent y atteint 9,5 m/s, ce qui permettrait à des éoliennes offshore de fonctionner à plein régime pendant plus de 3 500 heures par an. Les chercheurs ont ainsi modélisé la production d’hydrogène en s’appuyant sur quatre types d’éoliennes marines, incluant des turbines de 8 MW de puissance.
En s’appuyant sur les caractéristiques techniques de ces turbines et sur les performances des électrolyseurs disponibles (avec un rendement situé entre 60 % et 70 %), ils ont établi qu’une seule éolienne bien positionnée pourrait générer jusqu’à 700 tonnes d’hydrogène vert chaque année. En intégrant les données atmosphériques archivées par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), les auteurs ont produit des estimations à la fois précises et réalistes, fondées sur des séries chronologiques longues.
Une chaîne énergétique entièrement modélisée
L’ambition de cette étude dépasse largement les calculs de production. Les chercheurs ont conçu un système complet dans lequel toutes les étapes — de la génération d’électricité à l’exportation du produit transformé — sont pensées de manière cohérente. L’énergie éolienne alimente l’électrolyse de l’eau, l’hydrogène est ensuite liquéfié sur place et enfin transféré vers les infrastructures portuaires pour distribution. Ce modèle intégré, conçu pour être déployé dans un même périmètre côtier, ouvre la voie à un déploiement industriel immédiat, sans dépendre d’éléments dispersés.
Ce modèle intègre aussi des projections climatiques jusqu’en 2100. Selon les hypothèses les plus défavorables, la vitesse du vent à Dakhla pourrait augmenter d’environ 8 %, ce qui permettrait à une éolienne de produire jusqu’à 750 tonnes d’hydrogène par an, contre 700 tonnes actuellement. D’autres prévisions indiquent une réduction localisée de la vitesse des vents sur certaines portions du littoral, ce qui impactera la production selon les zones concernées.
Une économie d’émissions et une carte à jouer
L’impact environnemental estimé est loin d’être marginal. Grâce à cette production, environ 50 000 tonnes de CO₂ seraient économisées annuellement, comparée à une production énergétique équivalente fondée sur des sources fossiles. Ce gain net rend l’option hydrogène non seulement attractive sur le plan industriel, mais aussi efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Avec cette étude, le Maroc se retrouve doté d’un argument chiffré et opérationnel pour renforcer sa position dans les échanges énergétiques futurs. Sa façade maritime, son exposition au vent et sa proximité avec l’Europe en font un candidat naturel pour alimenter en hydrogène vert un continent en quête d’alternatives bas-carbone. L’étude ne se limite pas à révéler un potentiel : elle trace un itinéraire technologique crédible et ancré dans la réalité des ressources disponibles. Si les investissements suivent, cette partie du Maghreb pourrait bien devenir un pilier énergétique du XXIe siècle.


