Dans de nombreux pays, la lutte contre le blanchiment d’argent figure parmi les priorités économiques et sécuritaires. En Algérie, cette bataille prend une tournure concrète avec une réforme ambitieuse du secteur immobilier, longtemps perçu comme une véritable boîte noire où circulaient des fortunes invisibles aux yeux du fisc. En décidant d’y imposer la transparence, l’État algérien tente non seulement de rétablir l’équilibre économique, mais aussi de mettre fin à des décennies de pratiques souterraines qui ont déformé les marchés et échappé à tout contrôle.
Des pratiques opaques devenues une menace pour l’économie
Pendant des années, l’immobilier algérien a évolué dans une zone grise où l’usage des espèces régnait en maître. Les achats de biens immobiliers se faisaient fréquemment avec des valises de cash, alimentant un système parallèle échappant aux régulations fiscales. Des montants astronomiques, souvent issus d’activités non déclarées, étaient dissimulés dans des transactions non traçables, voire stockés dans des appartements, loin des circuits bancaires.
Cette dynamique a non seulement privé l’État de ressources fiscales importantes, mais a aussi contribué à une flambée artificielle des prix. Dans certaines zones, les biens se vendaient à des tarifs déconnectés de toute réalité économique, multipliant jusqu’à dix fois leur valeur réelle. Résultat : un accès à la propriété devenu hors de portée pour de nombreuses familles, et une économie officielle fragilisée par des flux financiers non maîtrisés.
Une réforme rigoureuse pour remettre de l’ordre
Pour briser cette spirale, les autorités algériennes ont opté pour une approche frontale dès janvier 2025. La mesure la plus emblématique : l’interdiction pure et simple des paiements en espèces pour les acquisitions immobilières. Désormais, virements et chèques bancaires sont les seuls moyens autorisés, assurant ainsi une traçabilité totale des transactions. Ce changement, imposé par la loi de Finances, oblige tout acheteur à justifier les fonds engagés, même lorsqu’il s’agit de montants colossaux.
Mais la traque des irrégularités ne s’arrête pas aux acheteurs. Les notaires sont désormais tenus, sous peine de sanctions, de refuser toute transaction qui ne respecte pas les nouvelles règles. Ils deviennent ainsi les garants de la légalité des opérations. Par ailleurs, la Direction générale des impôts a introduit une nouvelle grille nationale de prix de référence, contraignant les parties à déclarer des valeurs réalistes et empêchant les sous-évaluations massives autrefois fréquentes.
Une transition délicate mais prometteuse
Transformer en profondeur les habitudes d’un secteur informel n’est jamais un processus immédiat. Le président Abdelmadjid Tebboune lui-même l’a reconnu : il faudra du temps et de la patience pour éradiquer des pratiques enracinées depuis les années 1990. Certains investisseurs, peu enclins à la transparence, préfèrent aujourd’hui suspendre leurs projets ou se tourner vers d’autres filières. Un ralentissement temporaire du marché est donc envisageable.
Cependant, à moyen terme, les perspectives sont encourageantes. En favorisant la bancarisation des transactions et en réinjectant des capitaux jusque-là dissimulés dans le circuit officiel, l’Algérie espère assainir son économie et regagner la confiance des institutions internationales. Selon le président, ces efforts pourraient influencer positivement les évaluations de la Banque mondiale et du FMI, qui surveillent de près l’évolution des indicateurs économiques du pays.
