Maghreb : explosion des dépenses publiques dans ce pays

Pour qu’un pays assure son développement de façon durable, ses dépenses publiques doivent être alignées sur ses capacités économiques réelles. Elles servent à financer les services essentiels, soutenir les ménages et dynamiser les investissements. Mais lorsque leur progression échappe à toute maîtrise, le risque est grand de déséquilibrer l’ensemble du système économique. C’est ce qui se joue aujourd’hui en Algérie, où les finances de l’État s’envolent à un rythme sans précédent récent, sur fond de vulnérabilité externe et de dépendance persistante aux hydrocarbures.

Des dépenses qui grimpent deux fois plus vite qu’avant

Ces cinq dernières années, l’Algérie a connu une envolée spectaculaire de son budget de fonctionnement et d’investissement. Les montants engagés par l’État sont passés de 7 823 milliards de dinars en 2020 à 16 794 milliards en 2025, soit une augmentation de 114 %. Pour mesurer l’ampleur de cette évolution, il faut remonter à la décennie 2005–2015 sous la présidence de Bouteflika. À cette époque, les dépenses avaient connu une hausse équivalente, mais à un rythme bien plus modéré, étalé sur dix années. Cette fois, tout s’est accéléré sans que l’environnement économique offre les mêmes marges de sécurité. Jusqu’en 2021, les revenus issus des exportations de pétrole, poumon financier du pays, restaient modestes. Pourtant, dès 2022, les dépenses bondissent de manière brutale, progressant de plus de 40 % en douze mois. La tendance s’est prolongée les deux années suivantes, jusqu’à franchir un nouveau record en 2025.

Une gestion sous pression et des garde-fous improvisés

Confronté à une hausse aussi rapide, le gouvernement a dû réagir pour limiter les effets secondaires de cette politique expansive. L’une des dernières initiatives a été de restreindre l’accès au financement des importations. Les banques commerciales ont été sommées, par l’ABEF, de durcir l’octroi de crédits pour les biens venus de l’étranger. Cette restriction vise à éviter une utilisation trop rapide des ressources disponibles et à préserver les équilibres extérieurs. Autrement dit, l’État tente d’amortir l’impact de ses propres choix budgétaires en resserrant les dépenses ailleurs, notamment sur les circuits de consommation et d’approvisionnement.

Le piège de la surdépense en terrain incertain

La forte progression des dépenses publiques en Algérie ne s’accompagne pas, pour l’instant, d’une amélioration visible de la situation économique. Elle repose surtout sur l’anticipation d’une stabilité des prix du pétrole et sur l’espoir d’un redémarrage de la croissance interne. Mais ces paris restent fragiles. Sans diversification de l’économie ni maîtrise des circuits budgétaires, les marges de manœuvre du pays pourraient rapidement se réduire. Et dans une situation où les ressources en devises sont déjà sous pression, la moindre secousse sur les marchés de l’énergie pourrait suffire à déstabiliser l’ensemble du système.

La dépense publique, si elle n’est pas accompagnée de réformes structurelles et de mesures ciblées, peut vite devenir un fardeau plutôt qu’un moteur. L’Algérie, aujourd’hui, est à un tournant : continuer à injecter massivement des fonds dans l’économie sans en mesurer l’efficacité revient à courir un risque budgétaire de plus en plus difficile à assumer.

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