Sénégal : Avis du Conseil Constitutionnel, la frustration des parlementaires PASTEF

Le 27 juin dernier, l’Assemblée nationale a adopté à une écrasante majorité (138 voix pour et une abstention) une refonte de son règlement intérieur. Ce texte, présenté comme une réponse aux exigences d’efficacité et de transparence du travail parlementaire, a été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel, qui a invalidé quatre articles. Une décision qui n’est pas restée sans réaction, notamment du côté du groupe parlementaire PASTEF, aujourd’hui majoritaire dans l’hémicycle.

Une majorité parlementaire freinée dans ses initiatives

Depuis les dernières élections législatives, les députés de PASTEF ont entrepris un travail législatif régulier, avec près d’une quinzaine de lois votées en moins de huit mois. Pour les parlementaires du parti présidentiel, cette dynamique traduit une volonté d’action rapide et de rupture avec l’immobilisme souvent reproché aux législatures précédentes. Cependant, les censures successives du Conseil constitutionnel sur deux textes majeurs ont semé un vent de frustration.

D’abord, la loi interprétative visant à permettre des poursuites contre certains auteurs présumés de violences contre les militants patriotes a été rejetée. Ensuite, l’article du nouveau règlement intérieur prévoyant la convocation obligatoire des magistrats devant une commission d’enquête a été invalidé pour atteinte à l’indépendance de la justice. Pour Amadou Ba, président du groupe PASTEF, ces décisions ont ralenti l’élan réformateur voulu par les députés.

Respect des institutions mais limites constitutionnelles

Les critiques ne portent pas sur la légitimité du Conseil constitutionnel, mais sur les contraintes imposées par la structure actuelle de la Constitution. Selon Amadou Ba, malgré leur engagement, les députés ne peuvent aller au-delà de ce que permet la Constitution, dont les décisions du Conseil constituent le socle incontournable. Il souligne que PASTEF a fait preuve de loyauté institutionnelle en soumettant ses textes au contrôle de constitutionnalité et en acceptant les verdicts rendus, même lorsqu’ils vont à l’encontre de ses orientations politiques.

Dans cette logique, la majorité affirme avoir respecté l’esprit républicain en intégrant les garde-fous prévus par les textes fondamentaux, sans chercher à les contourner. Voter des lois n’est pas un bras de fer avec les institutions, mais un exercice de construction sous contrainte, résume le député. La position de PASTEF semble donc articulée autour d’un double message : volonté de réforme forte, mais encadrée par les normes existantes.

Le Conseil constitutionnel comme arbitre politique implicite

En tranchant sur la conformité de textes qui touchent aux équilibres institutionnels — pouvoirs de l’Assemblée, indépendance des magistrats, conditions de déchéance d’un mandat parlementaire — le Conseil constitutionnel endosse, qu’il le veuille ou non, un rôle d’arbitre politique. À travers ses censures, il dessine les limites du champ d’action parlementaire et oblige les députés à revoir leurs ambitions à l’aune de la légalité.

La frustration exprimée par les députés PASTEF est à comprendre comme une réaction à cette tension permanente entre volonté de changement rapide et rigidité juridique. Le cadre constitutionnel sénégalais, qui consacre la primauté du Conseil sur les autres pouvoirs publics en matière de conformité, rappelle ainsi à tous les acteurs les règles du jeu.

Dans un contexte de transition politique où les attentes sont élevées, les réactions du groupe majoritaire témoignent d’un équilibre difficile entre transformation et continuité. Le débat autour du règlement intérieur illustre bien ce paradoxe : même lorsque les intentions sont portées par une majorité parlementaire légitime, la Constitution impose ses limites, parfois au prix de l’enthousiasme des réformateurs.

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