Sénégal : Diomaye revoit le contrat de l'eau dessalée

Lorsque Bassirou Diomaye Faye accède au pouvoir en mars 2024, l’une de ses premières décisions majeures est de suspendre le contrat de construction d’une usine de dessalement de l’eau de mer à la Grande Côte, conclu par son prédécesseur Macky Sall à peine trois jours après l’élection présidentielle. Ce contrat, signé dans l’urgence de la transition, avait soulevé des interrogations tant sur le fond que sur les conditions financières imposées à l’État. Dans un souci de transparence et de souveraineté budgétaire, le nouveau chef de l’État opte pour une renégociation complète du partenariat avec le groupe saoudien Acwa Power.

Plusieurs mois de discussions plus tard, un nouvel accord est présenté, cette fois selon des conditions jugées plus avantageuses pour le Sénégal. Le président a personnellement salué l’engagement du royaume d’Arabie Saoudite dans cette phase redéfinie du partenariat stratégique, en mettant en avant l’esprit de coopération renforcée et de confiance réciproque.

Des gains concrets sur le plan économique

L’un des volets les plus sensibles du contrat initial concernait le coût de production de l’eau dessalée. Dans la nouvelle version, le tarif au mètre cube est revu à la baisse, passant de 427 FCFA à 389,8 FCFA, soit une réduction significative qui allège potentiellement les charges sur les consommateurs finaux. Ce réajustement tarifaire s’accompagne d’un effort notable pour limiter l’impact financier direct sur les finances publiques. Le budget national, qui devait supporter 40 milliards FCFA par an à partir de 2030 selon le précédent contrat, ne contribuera désormais qu’à 35 milliards FCFA annuels. Une économie annuelle de cinq milliards FCFA, qui s’ajoute à la diminution de l’effort budgétaire prévu entre 2027 et 2029, ramené à 17,5 milliards FCFA.

Autre point essentiel de cette nouvelle mouture : la montée en puissance des prêts concessionnels, qui passent de 30 % à 50 % dans le financement global. Cela signifie que la moitié du montage financier repose désormais sur des conditions de remboursement plus souples, avec des taux d’intérêt faibles et des délais allongés, allégeant ainsi la pression sur la trésorerie de l’État.

L’énergie solaire comme colonne vertébrale du projet

Au-delà de l’eau potable, la dimension énergétique du projet a été profondément modifiée. La capacité de production solaire, initialement fixée à 150 MWc, est désormais doublée pour atteindre 300 MWc. Cette énergie renouvelable ne servira pas uniquement à alimenter l’usine, mais aussi à générer un excédent destiné à être injecté dans le réseau national, avec une revente prévue à la SENELEC au tarif de 18 FCFA par kilowattheure.

Ce choix technologique marque une orientation claire en faveur de la transition énergétique. Il renforce la résilience du système hydraulique national tout en diversifiant les sources d’approvisionnement électrique. Par ailleurs, cette approche permet au Sénégal de ne pas dépendre exclusivement des combustibles fossiles pour la mise en œuvre de projets structurants dans le domaine de l’eau.

L’usine de dessalement de la Grande Côte, redessinée sur de nouvelles bases, apparaît désormais comme un modèle hybride mêlant innovation, souveraineté budgétaire et durabilité environnementale. En décidant de revoir les termes d’un accord signé à la veille de son investiture, le président Diomaye Faye amorce une méthode de gouvernance axée sur l’audit, la négociation stratégique et la défense de l’intérêt public. Cette renégociation pourrait bien devenir un précédent pour d’autres grands projets engagés dans les dernières années du régime précédent.

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