Depuis plus d’un mois, les couloirs des tribunaux résonnent d’un silence pesant. Le 18 juin dernier, les greffiers du Sénégal ont lancé un mouvement de grève prolongé, laissant les audiences à l’arrêt, les dossiers en suspens, et les justiciables sans réponses. Au fil des semaines, cette paralysie du système judiciaire est devenue une épreuve nationale, tant pour les familles en quête de décisions de justice que pour les avocats livrés à l’impuissance.
Alors que la tension ne faiblit pas, une nouvelle séquence s’est ouverte lundi 28 juillet avec le début d’un nouveau débrayage de 72 heures. Cette fois, c’est le Médiateur de la République, Alioune Badara Cissé, qui entre discrètement en scène. Dans une déclaration mesurée, il a indiqué que son institution mène une médiation de fond, loin des projecteurs, pour renouer le dialogue entre les syndicats de greffiers et les autorités.
Une grève enracinée dans des promesses non tenues
Le cœur de la discorde remonte à 2018, lorsque des accords avaient été signés autour de deux revendications principales : le reclassement sans condition des greffiers et leur intégration dans la hiérarchie A2. Six ans plus tard, ces engagements sont toujours en attente d’application. Les syndicats SYTJUST et UNTJ, moteurs de la mobilisation actuelle, affirment ne plus croire aux simples engagements verbaux. Ils réclament des actes, pas des échéances repoussées.
Face à la persistance du blocage, le ministère de la Justice a tenté de mettre en œuvre un système de réquisitions pour assurer un service minimum. Une initiative que les grévistes jugent « illégale, répressive et inefficace ». Selon eux, la réquisition ne peut être une réponse à une crise de confiance politique. Le débat se déplace désormais du plan administratif vers celui de la légitimité institutionnelle.
Des voix s’élèvent pour une implication du Premier ministre
Alors que les négociations officielles restent gelées, plusieurs acteurs de la société civile et du monde judiciaire appellent à une intervention directe du Premier ministre Ousmane Sonko. À leurs yeux, seule une implication au plus haut niveau pourrait débloquer un conflit devenu structurel. Le Forum du Justiciable, très actif sur ce dossier, tire la sonnette d’alarme sur « les conséquences humaines profondes d’une grève qui n’a que trop duré ».
Ce forum pointe notamment l’allongement des détentions provisoires, la non-tenue des audiences familiales, ou encore les procédures de divorce et d’état civil restées sans suite. Il ne s’agit plus seulement de litiges, mais de trajectoires de vie suspendues à une crise syndicale. Le maintien d’un bras de fer, sans espace de dialogue crédible, aggrave l’usure d’un service public déjà sous pression.
Une médiation prudente mais nécessaire
La démarche du Médiateur de la République, si elle reste discrète, est saluée comme une tentative de relancer des ponts dans une situation enkystée. Contrairement aux médiations classiques rendues publiques à chaque étape, celle-ci avance par des consultations ciblées, loin des communiqués fracassants. Ce choix d’une médiation feutrée pourrait être la clef pour rétablir une écoute mutuelle, sans posture figée.
À ce stade, toutes les voies semblent encore ouvertes. Mais plus le silence judiciaire s’allonge, plus la parole des institutions perd de sa force. Entre temps, ce sont les citoyens qui trinquent, privés d’un droit fondamental : celui d’être entendu. Le Médiateur, seul sur ce front, tente de combler ce vide. Encore faut-il que sa voix ne reste pas sans écho.



