Le 14 juillet, Serigne Fall Guèye, directeur du Grand Théâtre, publie une note de service qui ne passe pas inaperçue. Le document exige que les membres du personnel se conforment à une « esthétique naturelle », interdisant perruques, greffages et dépigmentation. Dans un établissement censé célébrer la diversité artistique, cette exigence tranche par sa rigidité. En quelques lignes, l’espace culturel emblématique de Dakar se transforme, dans l’opinion, en laboratoire de normes capillaires. Et il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que la note suscite un torrent de réactions.
Sur la plateforme X, anciennement Twitter, les internautes déclenchent une contre-offensive virale mêlant humour, critique et créativité. Mèmes, parodies, détournements : l’indignation se nourrit de dérision. Des vidéos s’imaginent à l’entrée du théâtre, avec des portiques anti-perruques et des contrôles capillaires dignes d’un roman dystopique. D’autres qualifient l’établissement de « ministère de la moralité esthétique », avec des consignes rappelant celles de régimes autoritaires.
Justifier l’injustifiable
Face au tollé numérique, Serigne Fall Guèye publie une vidéo explicative, espérant calmer le jeu. Il tente d’ancrer sa décision dans une logique de respect, de valorisation des identités africaines et de lutte contre les dérives esthétiques. Mais son message ne convainc pas. Au contraire, il donne l’impression d’enfoncer le clou, en renforçant l’idée d’un contrôle des corps plutôt que d’une liberté des choix.
Les critiques fusent sur la légitimité d’un directeur public à régenter l’apparence physique de ses employés. Dans un pays où les débats autour de la dépigmentation et des normes de beauté sont déjà sensibles, l’initiative paraît mal calibrée, déplacée, voire discriminatoire. Rapidement, des voix féminines, notamment du milieu culturel, dénoncent une forme de stigmatisation sexiste déguisée en discours identitaire.
Recul stratégique et leçon publique
Confrontée à une contestation virale, la direction du Grand Théâtre n’a d’autre choix que de faire machine arrière. La note est retirée, sans autre précision. Ce revirement met fin à un épisode aussi inattendu que révélateur. Il aura suffi de quelques heures pour que l’opinion publique rappelle ses lignes rouges et oblige une institution à revoir sa copie.
L’incident pose une question de fond : jusqu’où les responsables culturels peuvent-ils aller dans l’encadrement de la représentation individuelle ? Et à quel moment l’affirmation d’une esthétique devient-elle un instrument de contrôle ? Dans le Sénégal de 2025, connecté, ironique et réactif, il semble que les réponses soient déjà en partie connues.


