Sénégal : Universités, l'équilibre fragile entre social et ambitions scientifiques

Alors que les Assises nationales de transformation de l’enseignement supérieur s’ouvrent dans un climat d’espoir et de remise en question, la place du social dans les universités sénégalaises s’impose au cœur des débats. Le président Bassirou Diomaye Faye, en lançant officiellement ces concertations à Diamniadio, a rappelé que 46 % du budget du ministère de l’Enseignement supérieur est actuellement absorbé par les œuvres sociales. Cette réalité budgétaire limite les capacités de financement des autres secteurs clés, notamment la recherche, l’innovation et le développement de nouveaux cursus.

Pour le gouvernement, il s’agit d’atteindre un point d’équilibre entre soutien aux conditions de vie des étudiants et renforcement académique des établissements. Mais le défi est immense : assurer l’accès à l’université tout en assurant la qualité de l’encadrement, de la recherche, des infrastructures et de la formation. Or, chaque étudiant représente une dépense annuelle qui dépasse 1 million de francs CFA, selon le ministre de l’Enseignement supérieur Abdourahmane Diouf. Cette charge, dans un contexte de croissance continue du nombre d’inscrits, impose une réévaluation des priorités sans sacrifier les fondements de l’équité.

Un plaidoyer étudiant pour une université plus humaine et plus utile

Lors de la cérémonie de lancement, la parole étudiante a trouvé un écho fort et lucide. Un représentant des étudiants a souligné avec force que l’étudiant n’a pas de coût, il a de la valeur. Ce message direct vient rappeler que derrière les colonnes budgétaires se trouvent des parcours de vie, des aspirations, des sacrifices. Loin de réclamer des privilèges, les étudiants expriment un besoin urgent de cohérence entre la promesse de l’enseignement supérieur et les réalités du terrain : “Nous ne voulons plus d’un master qui s’éternise. Nous ne voulons plus d’une université qui forme des chômeurs. Nous ne voulons plus d’un système qui abandonne certains en chemin, sans aucun mécanisme de rattrapage.”

Cette voix traduit une vérité brute : les efforts sociaux ne peuvent être réduits à un poste comptable. Ils constituent une condition de la réussite académique. La restauration, le logement, le transport, l’accès au numérique et à la documentation sont des composantes essentielles pour garantir l’égalité des chances. Mais ces acquis sociaux ne suffisent plus s’ils ne s’accompagnent pas d’un encadrement pédagogique de qualité et d’une perspective d’insertion professionnelle réelle.

Réinventer le contrat social universitaire

Le Sénégal entre dans une phase critique où le modèle universitaire doit évoluer. D’un côté, les aspirations des étudiants exigent un cadre plus fluide, plus efficace, plus ancré dans les réalités économiques du pays. De l’autre, l’État cherche à orienter le système vers la souveraineté intellectuelle, l’innovation technologique et la compétitivité internationale. Le défi est de concilier ces deux dynamiques sans trahir les fondements d’un enseignement public qui reste l’un des plus accessibles du continent.

Les Assises de l’ANTESRI, prévues jusqu’au 25 juillet, ont pour mission de proposer des solutions concrètes à cette équation complexe. Il est attendu qu’émergent des propositions sur la réforme du calendrier universitaire, le financement de la recherche, la redéfinition des filières prioritaires et l’articulation entre public et privé. Mais au-delà des chantiers structurels, l’enjeu est aussi symbolique : réaffirmer que l’université n’est pas seulement un espace de transmission de connaissances, mais un levier de justice sociale.

En ce sens, le message porté par la jeunesse, relayé par le président de la République lui-même, place la valeur humaine au cœur de la transformation. Le social n’est pas une option, c’est une nécessité disait l’étudiant. La réforme est urgente, mais elle ne peut se faire au détriment des équilibres qui rendent l’université possible. Elle doit au contraire réinventer un contrat social qui reconnaît l’étudiant non comme un coût à réduire, mais comme une richesse à cultiver.

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