Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump n’a pas tardé à remettre à l’ordre du jour sa stratégie commerciale offensive : rétablir des barrières douanières pour défendre les intérêts américains. Une méthode musclée qui a d’abord visé l’Europe, le Mexique et le Canada, et qui a fini par heurter un partenaire pourtant stratégique : le Japon. C’est dans ce contexte tendu que Washington et Tokyo viennent de trouver un terrain d’entente inattendu, scellé par un accord que le président américain qualifie déjà de « sans précédent ».
Une réponse à la menace de surtaxes
Alors que l’archipel risquait de subir, dès le 1er août, une surtaxe de 25 % sur les automobiles, les négociations menées tambour battant par l’envoyé spécial Ryosei Akazawa ont permis de réduire la pression. L’accord désormais conclu plafonne les taxes à 15 %, un compromis salué comme un soulagement par l’industrie nippone, lourdement pénalisée ces derniers mois. En mai et juin, les exportations de voitures vers les États-Unis avaient chuté de 25 % à cause des mesures déjà en place. Or, le secteur automobile reste un pilier de l’économie japonaise : il représente environ 8 % de l’emploi national et près d’un tiers des exportations vers les États-Unis.
Ce nouveau cadre tarifaire — qui fusionne les droits de douane de 2,5 % et une surtaxe allégée de 12,5 % — constitue pour Tokyo une manière d’éviter le pire tout en relançant la confiance des marchés. Les bourses nippone et européenne ont d’ailleurs aussitôt réagi : l’indice Nikkei a grimpé de plus de 3 %, porté par les envolées spectaculaires des titres Toyota, Nissan et Honda.
Un pacte aux retombées économiques majeures
Si Donald Trump s’est empressé d’annoncer la bonne nouvelle sur Truth Social, c’est que cet accord lui permet d’afficher un succès tangible sur le front économique. En plus de préserver l’accès du Japon au marché américain, l’entente prévoit des ouvertures majeures à l’importation pour les produits agricoles américains, notamment le riz et d’autres céréales. Sur ce point, le gouvernement japonais se montre prudent : il évoque une redistribution des quotas existants en faveur des producteurs américains, mais sans élargissement des volumes globaux pour protéger les agriculteurs nippons.
Trump, de son côté, vante les bénéfices pour les États-Unis. Il avance le chiffre colossal de 550 milliards de dollars d’investissements japonais sur le sol américain, promettant la création de « centaines de milliers d’emplois ». Des déclarations spectaculaires, bien que les détails concrets manquent à ce stade. Il affirme que 90 % des retombées économiques profiteront aux Américains, un chiffre difficile à vérifier mais qui alimente sa narrative de renforcement industriel national.
Des questions encore en suspens
En dépit du ton triomphal, plusieurs zones d’ombre demeurent. L’accord ne touche pas aux surtaxes massives de 50 % sur l’acier et l’aluminium, toujours en vigueur, ni à la question sensible des dépenses militaires japonaises, sujet récurrent de discorde entre les deux pays. Ces points pourraient revenir sur la table lors de discussions futures, notamment si Trump poursuit sa stratégie de conditionner les avantages commerciaux à des contreparties stratégiques.
Pour le Premier ministre Shigeru Ishiba, la priorité reste de préserver les équilibres internes tout en évitant l’isolement sur la scène internationale. L’alliance avec Washington demeure essentielle, mais Tokyo cherche à ménager ses intérêts sans trop céder sur des dossiers jugés vitaux. C’est ce délicat jeu d’équilibriste que l’accord actuel illustre : un compromis défensif dans un contexte d’offensive américaine.
La pression reste vive sur les autres partenaires commerciaux des États-Unis, notamment l’Union européenne, le Mexique et le Canada, qui n’ont pas encore réussi à sécuriser un accord similaire avant l’échéance du 1er août. En s’emparant du cas japonais, Trump envoie un signal fort : le rapport de force tarifaire reste son levier favori, même avec ses alliés historiques. Le Japon, en acceptant une taxation contenue mais significative, semble avoir choisi la voie du moindre mal. Reste à savoir si ce modèle sera durable… ou s’il ne préfigure qu’un épisode supplémentaire dans un bras de fer mondial aux règles mouvantes.



