Depuis sa fondation en 2023, le village de « Return to the Land » dans les montagnes des Ozarks, au nord de l’Arkansas, alimente une vive polémique. Cette communauté privée, présentée par ses fondateurs comme un refuge pour les familles blanches souhaitant préserver leur mode de vie, revendique son indépendance vis-à-vis de certaines lois antidiscriminatoires.
Une enclave construite autour d’une vision identitaire
À l’origine du projet, Eric Orwoll, l’un des cofondateurs, affirme vouloir bâtir une « forteresse pour la race blanche », évoquant la disparition supposée de l’héritage européen aux États-Unis. Le site, d’une superficie de 65 hectares, compte aujourd’hui une quarantaine de résidents, selon la chaîne britannique Sky News, qui a mené une enquête sur place. Une école et un centre communautaire y ont déjà été établis, et les candidats à l’installation doivent passer un entretien vidéo pour rejoindre l’association.
Pour Orwoll, cette communauté repose sur la liberté d’association et la protection de la vie privée. Selon ses déclarations relayées par Sky News, le fait d’opérer sous le statut d’association privée permettrait d’échapper aux obligations du Fair Housing Act, loi fédérale de 1968 interdisant toute discrimination dans le logement basée sur la race, la religion, le sexe ou le handicap. « Le gouvernement n’a pas le droit de dire à des citoyens américains libres selon quelles valeurs ils devraient vivre leur vie privée », insiste-t-il.
Des critères d’admission contestés
Bien que le site ne publie pas de charte ouverte, plusieurs témoignages recueillis par la presse indiquent que les personnes noires, juives, musulmanes ou homosexuelles ne seraient pas les bienvenues. Ce filtrage à l’entrée, non officiel mais largement assumé, soulève des questions juridiques et éthiques. Pour justifier leur choix de vie, certains couples évoquent leur désir de protéger leurs enfants, affirmant se sentir menacés par un « racisme anti-blanc » croissant.
Le discours de Eric Orwoll, très actif sur les réseaux sociaux, appelle d’ailleurs explicitement à la création de villages blancs : « Vous voulez une nation blanche ? Construisez un village blanc. C’est possible. On est en train de le faire », écrit-il. Cette rhétorique s’inscrit dans une mouvance identitaire de plus en plus visible aux États-Unis, marquée par la crainte des évolutions démographiques et culturelles.
Une zone grise entre légalité et militantisme
La structure juridique choisie par les fondateurs — une association privée — a nécessité des dizaines de milliers de dollars de consultations juridiques, selon Orwoll lui-même. Ce statut, s’il offre une certaine autonomie, n’est pas pour autant à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires si une discrimination avérée est constatée. Le Fair Housing Act, bien qu’excluant certaines organisations privées à caractère non commercial, reste applicable dans de nombreux cas.
Cette affaire illustre une tension croissante entre la liberté d’association, garantie par la Constitution, et les principes d’égalité raciale que défendent les lois fédérales. En pleine période de débats sur l’identité nationale, les droits civiques et les inégalités systémiques, l’apparition d’une telle communauté réactive des clivages profondément ancrés dans la société américaine contemporaine.
Sky News a été la première chaîne internationale à documenter directement le quotidien de ce village, confirmant la présence d’anciens membres des forces de l’ordre parmi les habitants, ce qui interroge sur les ramifications possibles de ce projet dans les institutions locales.
