Face à la pression stratégique exercée par l’alliance spatiale sino-russe, les États-Unis révisent à la hausse leurs ambitions lunaires. L’agence spatiale américaine prévoit désormais de déployer un réacteur nucléaire sur la Lune d’ici 2030, une échéance avancée pour répondre aux enjeux énergétiques et géopolitiques de l’exploration lunaire.
Une réponse américaine à la montée en puissance de la Chine et de la Russie
Depuis mars 2024, la Chine et la Russie ont annoncé à plusieurs reprises leur volonté commune d’installer une centrale nucléaire sur la Lune à l’horizon 2035, dans le cadre de leur Station de recherche lunaire internationale (ILRS). Cette perspective a conduit la NASA à intensifier ses efforts afin de ne pas se laisser distancer dans cette nouvelle étape de la course à l’espace.
Dans une directive transmise le 5 août 2025, Sean Duffy, administrateur par intérim de l’agence, insiste sur l’urgence d’une telle avancée. Il alerte sur le risque que « le premier pays à installer un réacteur puisse imposer une zone d’exclusion », ce qui compromettrait l’établissement durable de la présence américaine dans le cadre du programme Artémis.
Un projet revu à la hausse pour produire une énergie continue
À la différence des systèmes solaires, qui nécessitent une exposition constante à la lumière, un réacteur nucléaire permettrait de fournir de l’énergie dans les zones lunaires en permanence plongées dans l’ombre, notamment autour du pôle sud. Ces régions sont actuellement au centre des stratégies spatiales, tant pour leurs ressources potentielles que pour leurs conditions d’installation.
Le nouvel appel d’offres de la NASA, attendu dans les prochaines semaines, portera sur la conception d’un réacteur d’une puissance minimale de 100 kilowatts, soit l’équivalent de la consommation d’environ 75 foyers américains. Cette capacité est largement supérieure à celle envisagée en 2022, lorsque le programme Fission Surface Power tablait encore sur des dispositifs de 40 kilowatts dotés d’une durée de vie d’au moins 10 ans sur le sol lunaire.
Une compétition technologique sous haute surveillance
Trois entreprises avaient été sélectionnées pour les premières études de faisabilité : Lockheed Martin, Westinghouse et IX – une coentreprise réunissant Intuitive Machines et X-Energy. Ces acteurs, déjà impliqués dans les technologies nucléaires et aérospatiales, pourraient se retrouver en première ligne pour cette phase de développement accéléré.
Cette montée en puissance s’inscrit dans un contexte global où plusieurs pays investissent dans des solutions d’approvisionnement énergétique spatiales. Le Royaume-Uni, par exemple, via Rolls-Royce, a dévoilé à la fin de 2023 les plans d’un mini-réacteur lunaire soutenu par son agence spatiale. La diversité des projets démontre l’intérêt croissant pour des infrastructures capables de soutenir des missions habitées de longue durée.
L’incertitude autour des priorités spatiales américaines
Malgré ces avancées techniques, l’avenir du programme lunaire américain reste suspendu aux orientations de l’administration Trump, revenue au pouvoir depuis janvier. Si l’ancien président avait initié le projet Artémis lors de son premier mandat, il a récemment exprimé des réserves sur sa pertinence, évoquant la possibilité de concentrer directement les efforts sur une mission vers Mars.
Cette incertitude politique contraste avec l’engagement affiché par d’autres puissances spatiales, qui voient la Lune non seulement comme une étape scientifique, mais aussi comme un levier stratégique de premier plan dans la redéfinition des équilibres géopolitiques. Le développement d’un réacteur nucléaire lunaire devient ainsi un marqueur technologique de souveraineté, dans un espace extra-atmosphérique de plus en plus disputé.
