Sénégal : Air Sénégal signe une victoire dans un contexte encore tendu

Depuis plusieurs années, Air Sénégal évolue dans une zone de turbulences financières sévères, minée par une accumulation de dettes et une dépendance chronique à l’appui de l’État. Créée dans l’espoir de doter le pays d’un transporteur aérien de référence, la compagnie nationale s’est retrouvée prise dans un engrenage budgétaire. Les appareils, acquis sous le précédent régime puis cédés à la société au franc symbolique, n’ont pas produit les effets escomptés. Bien au contraire, leur exploitation a généré des pertes massives, creusant un passif estimé aujourd’hui à plus de 120 milliards de francs CFA, malgré une injection publique supérieure à 180 milliards de francs CFA depuis sa relance. Dans ce contexte de gestion contestée, le gouvernement actuel s’est retrouvé contraint de revoir les ambitions de la compagnie à la baisse.

La bataille judiciaire face au loueur Carlyle

C’est dans ce paysage déjà dégradé que s’est noué un bras de fer judiciaire décisif. Le 14 avril dernier, Air Sénégal a vu ses recettes issues de la vente de billets gelées par le système international BSP (Billing and Settlement Plan), à l’initiative de l’IATA, sur demande du bailleur américain Carlyle Aviation Partners. En jeu : un différend contractuel portant sur la location de plusieurs appareils, dont l’issue pouvait compromettre la survie opérationnelle de la compagnie. Ce gel brutal de la trésorerie a plongé Air Sénégal dans un épisode critique, comparable à un arrêt de moteur en plein vol.

Pourtant, la décision judiciaire rendue récemment a constitué un tournant. Dans une note adressée à la presse, Air Sénégal SA s’est dite satisfaite d’un jugement qui, selon ses termes, « rétablit ses droits et conforte sa position dans ce litige ». Une victoire perçue en interne comme une respiration bienvenue, même si la pression financière reste intense. La compagnie a également renouvelé son attachement à la continuité du service, soulignant son engagement envers les passagers et les objectifs stratégiques de la nation.

Réduction d’envergure mais volonté de redécollage

En septembre 2024, dans une démarche de recentrage, la compagnie a mis fin à sa liaison transatlantique vers New York (JFK). Cette décision a marqué la fin d’une ambition long-courrier coûteuse, devenue intenable face aux contraintes budgétaires. La suppression de cette ligne, symbole d’ouverture vers les États-Unis, a aussi été interprétée comme un signe de repli stratégique. À défaut de concurrencer les grandes compagnies internationales sur le segment intercontinental, Air Sénégal semble désormais viser une consolidation de ses lignes régionales et africaines.

Conscient de l’ampleur du chantier, le Premier ministre Ousmane Sonko a pris l’affaire en main. L’objectif affiché : remettre de l’ordre dans la gouvernance, rationaliser les dépenses et évaluer la viabilité à long terme de cette entité sous perfusion. À l’image d’un pilote reprenant les commandes d’un appareil en perte d’altitude, l’État tente de rétablir l’équilibre sans pour autant saborder ce qui reste un instrument de souveraineté aérienne.

Air Sénégal sort donc d’un épisode judiciaire avec un léger soulagement, mais sans garantie d’un avenir serein. Les turbulences persistent, et le redécollage durable nécessitera bien plus qu’un simple coup de gouvernail : c’est tout le modèle économique et la stratégie de la compagnie qui devront être revisités.

Laisser un commentaire