Lors de la présentation du Plan de Redressement national, le président Bassirou Diomaye Faye a levé le voile sur des irrégularités de gestion parmi les plus emblématiques de la décennie écoulée. L’un des cas cités concerne un immeuble imposant, R+8 avec sous-sol, initialement destiné à abriter le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT). Loué en 2016 pour un montant mensuel de 40 millions FCFA, ce bâtiment a été officiellement acquis en 2018 par l’État pour 14,4 milliards FCFA, montant porté à 20 milliards toutes taxes comprises. Mais au lieu de mettre fin aux paiements locatifs une fois la transaction finalisée, le Trésor public a continué, mois après mois, à verser des loyers comme si le bâtiment ne lui appartenait pas. Ce circuit absurde aurait englouti près de 2,8 milliards FCFA entre juillet 2018 et mai 2024.
L’affaire suscite indignation et perplexité. Comment expliquer qu’un immeuble acheté par l’État continue à faire l’objet d’une dépense régulière, sans que cette anomalie ne soit corrigée pendant six ans ? Les interrogations portent autant sur les mécanismes de contrôle interne que sur les responsabilités politiques engagées dans ce dysfonctionnement structurel.
Abdoulaye Vilane coupe court aux soupçons
Dans un climat où chaque silence peut devenir un aveu, le Parti socialiste a choisi de réagir publiquement. Par la voix de son porte-parole, Abdoulaye Vilane, il réfute tout rôle ou responsabilité dans cette affaire. Selon lui, la gestion immobilière des institutions étatiques relève exclusivement de l’Agence du patrimoine bâti de l’État, sous la tutelle directe de la présidence, et du ministère des Finances pour ce qui est des acquisitions. Le PS, qui dirigeait à l’époque le HCCT, n’aurait donc été ni décideur ni gestionnaire des flux financiers liés à la location ou à l’achat du bâtiment en question.
Dans une note rendue publique le 1er août, Vilane rappelle que « les leaders socialistes n’ont jamais eu la main sur les opérations immobilières engagées par l’État ». Il considère que toute tentative de leur faire porter la responsabilité de cette gabegie relèverait d’un procès d’intention déconnecté des réalités administratives.
Entre responsabilités diluées et déficit de transparence
L’affaire illustre l’opacité persistante dans la gestion des ressources publiques, en particulier lorsqu’elles concernent le parc immobilier de l’État. Le flou autour des ordonnateurs, des bénéficiaires réels et des justificatifs de paiement met en lumière les failles d’un système souvent régi par des logiques parallèles à celles des règles budgétaires classiques. Même en l’absence de détournement volontaire démontré, l’ampleur du préjudice financier soulève des questions fondamentales sur la chaîne de validation des dépenses publiques.
Au-delà de la défense du Parti socialiste, les citoyens attendent des clarifications plus larges sur les circuits financiers de l’État. Comment une telle somme a-t-elle pu être régulièrement décaissée sans qu’aucune alerte institutionnelle ne soit déclenchée ? Qui encaissait effectivement ces loyers post-acquisition ? Et pourquoi le contrat initial n’a-t-il pas été suspendu ou réajusté après l’achat ?
La promesse de rupture portée par les nouvelles autorités sera jugée à l’aune de leur capacité à apporter des réponses à ces interrogations. Dans un pays confronté à une exigence croissante de rigueur et de redevabilité, chaque milliard perdu sans explication devient une plaie béante dans le contrat de confiance entre l’État et ses citoyens. L’affaire du HCCT pourrait bien en être une illustration durable.



