Sénégal : Fotall, une entreprise modèle rattrapée par des branchements illégaux

Connu pour avoir introduit au Sénégal un concept moderne de laveries automatiques accessibles 24h/24, Fotall Services Sarl fait aujourd’hui face à un scandale aux conséquences multiples. À la tête de cette entreprise, Mamadou Sarr, désormais placé sous mandat de dépôt, est soupçonné d’avoir mis en place un système de branchements clandestins sur le réseau électrique national. Un coup dur pour une marque jusque-là associée à l’innovation et à la praticité urbaine.

L’affaire débute discrètement, avec une vérification technique à la Cité BCEAO 1 menée par des agents de la Senelec. Ce contrôle de routine dévoile un raccordement illégal, non déclaré, alimentant directement les machines de la laverie. L’alerte est donnée. L’enquête se déploie à l’échelle nationale, révélant une mécanique bien rodée : neuf autres sites — de Zac Mbao à Saint-Louis, en passant par Yoff, Maristes et Sacré-Cœur — étaient connectés au réseau électrique sans passer par les compteurs officiels. Selon les enquêteurs, ce réseau parallèle aurait permis à Fotall de fonctionner sur plusieurs sites sans s’acquitter des frais dus.

Une fraude massive révélée par l’audit national

Les premières estimations font état d’un préjudice de plus de 682 millions de francs CFA, un montant qualifié de provisoire par les autorités. Cette affaire n’est pas isolée. En 2024, les chiffres communiqués par le Comité national de dialogue avec la clientèle (CNDC) indiquaient déjà que 1,4 million de mégawatts avaient été volés dans tout le pays, soit une perte sèche de 100 milliards de francs CFA pour la Senelec. Une hémorragie énergétique que l’entreprise publique peine à juguler, et dont les impacts se répercutent directement sur les abonnés réguliers, contraints d’absorber le surcoût dans leurs factures.

Dans ce climat de tension financière, les révélations autour de Fotall prennent une ampleur particulière. L’entreprise, qui s’est installée dans les esprits comme un symbole d’efficacité urbaine, se retrouve désormais au cœur d’un débat sur l’équité énergétique et la responsabilité économique. Le fait que le dirigeant ait reconnu les faits devant les enquêteurs alimente l’indignation, notamment dans un secteur encore en quête de régulation claire.

Réputation entachée, avenir compromis

Extrait de prison puis présenté à nouveau devant le parquet, Mamadou Sarr reste au centre des investigations. La Division des investigations criminelles (DIC) poursuit ses recherches, après avoir découvert d’autres branchements suspects non encore répertoriés dans le rapport initial. Cette relance de procédure laisse entrevoir une série d’accusations supplémentaires et fait planer l’incertitude sur l’avenir de Fotall Services.

Pour de nombreux observateurs, cette affaire dépasse le cas individuel. Elle pointe les failles de surveillance du réseau, mais aussi l’absence de contrôle systématique sur certains segments du secteur privé. Si Fotall chute, elle pourrait entraîner dans son sillage un modèle d’affaire qui avait pourtant séduit des partenaires et des clients à travers le pays. Le scandale donne enfin matière à réflexion sur les mécanismes de protection des ressources publiques, notamment dans un contexte où l’énergie devient un enjeu national aussi crucial que l’eau ou la sécurité alimentaire.

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